Critique de

AMOUR
Austérité

Je dois vous avouer quelque chose.  Si ce n’était de la magnifique performance du couple principal (l’effacé Jean-Louis Trintignant et la lumineuse Emmanuelle Riva) et des quelques apparitions de leur fille (délicatement interprétée par une habituée du cinéaste, Isabelle Huppert), le film Amour de Michael Haneke serait un long et fastidieux voyage dans le quotidien d’anciens enseignants de musique, octogénaires en fin de vie. 

Michael Haneke fait partie de cette trempe d’artistes qu’on peut aisément nommer « auteur ».  Mais ce titre peut être lourd à porter.  Pas pour lui, l’homme n’a que faire des définitions.  Écoutez-le parler ou entendez ses scénarios et vous comprendrez qu’il est au-dessus de ce genre de foutaises.  Le cinéma d’auteur est un genre qui plaît à un type d’auditoire, un type assez restreint.  Personnellement, je ne cracherai jamais sur ces productions, car elles donnent de belles lettres de noblesse au Septième art (et puis, ça me change des nombreuses productions abrutissantes qui pullulent sur les écrans!!!)  Mais pour la manne, le cinéma d’auteur est fade.  Amour est nominé aux Oscars comme meilleur film en langue étrangère ET comme meilleur film, un fait rare dans les annales de l’Académie.  Évidemment, certains détracteurs diront que depuis qu’ils nomment dix concurrents, ya des trous à boucher!  Mais pas pour Amour.

L’histoire simple de deux gens qui s’aiment et qui tentent de traverser les épreuves, dans les mains de Haneke, devient une thèse sur le comportement humain, sur la relation filiale, sur l’euthanasie, sur la solitude, …  Avec Amour, on a droit à une tranche de vie dans sa plus pure véracité.  Rien ne fait la censure.  L’Homme et la Femme dans ses derniers retranchements.  Qu’on le veuille ou non, certains moments sont durs à regarder, mais ces fameux moments font partie intégrante de nos vies et de celles de nos proches.  Je ne dis pas que nous allons tous passer par une attaque cérébrale, mais seulement que ces instants difficiles peuvent frapper n’importe qui.  Le fait que le cinéaste écrive sur « l’amour » est plutôt une lettre à ceux et celles qui le vivent jusqu’à la fin. 

Le cinéma d’auteur a une grande qualité.  Un de ses points forts est généralement l’acteur.  Amour ne fait pas exception.  Michael Haneke est un fabuleux directeur d’acteur.  Il sait exactement ce qu’il veut de ses comédiens.  Tel un prêtre, il mène ses ouailles là où bon lui semble.  Bien entendu, quand on sait écrire comme lui, personnifier un rôle ne doit pas être très difficile, vu que tout est sur papier et que son auteur vous fait face.  Si je me fie à Trintignant, qui est un excellent acteur et qui en a vu d’autres, le scénario et l’intelligence de Haneke l’on pousser encore plus loin dans son jeu déjà talentueux.  Pour ma part, je dois dire merci au cinéaste d’être persistant, car son texte fut écrit pour Trintignant et personne d’autre.  Mais l’acteur était en retraite depuis une dizaine d’années.  C’est un bon texte pour le sortir de sa torpeur, n’est-il pas…!!! 

Vlan!  Avec Haneke, pas le temps de flâner.  Les deux premières minutes de visionnement sonnent le glas.  La dame est morte et l’homme a disparu.  Voilà pour le prologue.  Maintenant, sachez à quoi vous en tenir.  Nous découvrons donc un vieux couple, aimants de musique, qui, du jour au lendemain, doive faire face à l’inévitable :  une attaque cérébrale et une opération ayant mal tourné plus tard, l’un d’eux mourra.  Mais tels des inséparables, ils perdureront.  Au grand dam de certains.  « Mais jusqu’où va l’amour » est une des nombreuses questions que le cinéaste pose et il nous en fait la démonstration dans toute sa chirurgie.  Car oui, Amour apparaît beaucoup comme un documentaire tant l’austérité du propos prend le dessus sur les émotions.  Mais grâce aux acteurs, on reste accroché au mince fil d’une fiction qui se veut plus, mais qu’on voudrait telle.  J’ai d’ailleurs un bémol à formuler :  toute la démonstration de l’homme envers sa femme se fait sans artifices, comme seul Haneke sait le faire.  Je ne comprends donc pas pourquoi à un moment, UN instant, il use du procédé du rêve.  Peut-être est-ce pour nous amener docilement vers la finale?  Michael Haneke est un homme brillant qui connaît son métier et c’est l’explication la plus plausible qui me vienne à l’esprit, mais un seul moment « d’imaginaire » pour expliquer l’épilogue, c’est bien peu selon moi. 

Bah!  Un tout petit accro pour un si belle œuvre.  Peut-être un peu longuette, mais au combien inspirée.  Il faut du talent pour tenir le spectateur rivé simplement en présentant une vieille femme handicapée et un vieil homme à son chevet pendant deux heures et que celles-ci semblent courtes.  Un talent de chef d’orchestre (mais il faut mentionner que ses instruments étaient de grandes qualités, surtout Trintignant et Riva!)  4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net  P.S. :  Amour gagnera l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, j’en suis convaincu.  Regardez simplement les précédents gagnants et vous comprendrez qu’il a sa place :  une Séparation, un Monde meilleur, les Faussaires, la Vie des autres, la Mer intérieure, la Vie est belle, Dans ses yeux, …  « I rest my case. »