ASTÉRIX: LE DOMAINE DES DIEUX
Veni, vidi, vici
Si on fait fi des adaptations en prise réelle, la dernière apparition d’Astérix et Obélix dans le monde de l’animation date de 2006 dans l’oubliable Astérix et les Vikings (lire archives rafales). Depuis, nada! D’ailleurs, on ne peut guère écrire mieux concernant les versions réelles, seule Mission : Cléopâtre d’Alain Chabat avait réussi a capté l’univers débridé des bandes dessinées de Goscinny et Uderzo. On ne se le cachera pas, depuis la mort de son auteur, Astérix a cruellement perdu de sa vivacité d’esprit. Uderzo, malgré tout son talent artistique, n’a pas su garder intact la verve de son célèbre collègue, déclinant lentement les aventures vers le ridicule.
Ceci étant cela, c’est tout un défi que de s’attaquer à tel icône. Astérix, tout comme Tintin pour les Belges, représente la culture française et est le porte-étendard d’un monde culturel et politique bien différent de l’Amérique. Les Vikings en est un bon exemple, alors que les Danois Stefan Fjeldmark et Jesper Moller n’ont gardé que l’image du héros, l’aseptisant dans un moule « disneyen ». Quel serait l’artiste capable de ramener Astérix au bercail et de le réanimer, tout en y ajoutant son grain de sel (comme Chabat)?
C’est le comédien Alexandre Astier qui s’y est collé. Aidé de l’infographe Louis Clichy, le multidisciplinaire artiste a réussi l’impossible : faire rire. Son expérience chez Kaamelott, la célèbre télésérie française se riant du roi Arthur et de ses chevaliers de la table ronde, lui a permis d’insuffler une bonne dose de bonhomie et d’absurde aux aventures du Gaulois. Évidemment, personne n’étant capable d’égaler le talent de Goscinny, encore ici, avec le Domaine des dieux, on assiste à peu de perles linguistiques. Mais Astier compense par le rythme, parfois volontairement lent, où c’est le jeu des personnages animés qui permet de faire lever l’ensemble. Il y a aussi plusieurs clins d’œil au cinéma (King Kong; Seigneur des anneaux; …) qui permettent aux spectateurs de s’identifier à l’action en cours. Autre bonne note à la production…, c’est qu’Astier ne s’est pas éparpillé sur d’autres aventures d’Astérix, se concentrant sur une seule œuvre et l’approfondissant au possible, tout en la respectant. Le cinéaste-scénariste s’est permis de bons messages écologiques, sociologiques et démographiques alors que la forêt entourant le village se fait raser par les Romains, éloignant les sangliers, faisant apparaître la civilisation et l’intégration. Mais jamais cela sera fait avec lourdeur, les messages passent sans crier gare, l’animation étant la priorité des deux cinéastes. D’ailleurs, c’est la première fois que l’on découvre Astérix et sa bande en trois dimensions et cela lui confère une aura supplémentaire de sympathie. C’est bien l’ère Pixar et compagnie, dont Clichy a fait ses devoirs, et les Gaulois passent la rampe haut la main. Autre (presque) bonne nouvelle, ils ont confié la voix du téméraire guerrier au comédien indissociable de ce dernier, le grand Roger Carel. Pourquoi « presque »? Parce que Carel a annoncé que le Domaine des dieux était le dernier doublage qu’il ferait. À 87 ans bien comptés, on le comprend et on le remercie pour les merveilleuses années de bonheur qu’il nous a apporté. Les chaussures seront énormes pour le prochain acteur, car on ne se le cachera pas, grâce au succès critique et public du Domaine…, Astérix reviendra assurément sur les écrans.
Astérix : le domaine des dieux deviendra aisément un classique de la filmographie du Gaulois, au même titre que les 12 travaux et Cléopâtre. Il est venu, il a vu, il a vaincu pour notre plus grand plaisir! Je fus conquis. 4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net
P.S. : Je n’ai que bémol, tout petit. La voix d’Obélix, interprété par Guillaume Briat, qui est trop haut perché contrairement à celle de Jacques Morel. Mais ça, c’est parce que ce dernier a bercé mon enfance et s’est incrusté dans mes meilleurs souvenirs télévisuels (On parle de ciné-cadeau à Télé-Québec, tsé!?!) Mais c’correct, Astier fait travailler ses potes de Kaameott, c’est de bonne guerre.