CASSE-TÊTE CHINOIS
Une trilogie sans en être une
C’est avec un plaisir non coupable que j’ai visionné les nouvelles tribulations de Xavier et de son entourage. C’est une chance rare pour une génération donnée de pouvoir ainsi suivre la vie d’un jeune homme, de ses études en Espagne (l’Auberge espagnole. 2002) jusqu’à son entrée dans le monde du travail (les Poupées russes. 2005). Maintenant, nous le retrouvons à l’aube de la quarantaine, papa monoparental déménageant à New York pour rester près de ses enfants.
Je ne dirais pas que Casse-tête chinois est le dernier épisode d’une trilogie entamée il y a plus de dix ans (Enfin, j’espère que Cédric Klapisch et son noyau d’acteurs auront encore des choses à raconter dans le futur). J’écrirai plutôt que le cinéaste français a pris son personnage et l’a amené là où il croyait être rendu maintenant. Casse-tête chinois est simplement (et le mot est ironique) une peinture animée de ce qu’un bon groupe de la génération X vive aujourd’hui (un peu romancé, bien entendu!) C’est d’ailleurs la beauté de ces « aventures » : un certain spectateur peut aisément se connecter à Xavier et sa troupe, car il a évolué sensiblement de le même sens, a sensiblement les mêmes questionnements, a sensiblement les mêmes tribulations. Certes, nous n’avons peut-être pas vécu une séparation ou un déménagement aussi lointain. Mais à plus ou moins petite échelle, Klapisch touche à des sujets d’actualité, des sujets qui sont le fruit quotidien d’une partie de la société d’aujourd’hui.
Le film en soi reprend à peu près la même recette qui a fait le succès des deux premiers : un scénario intelligent; une réalisation non linéaire; un montage vivant; des séquences animées; une bande sonore enlevante et des comédiens attachants et naturels. Tout ça fait la réussite de cette troisième tranche de vie de nos héros. J’admets qu’il est très agréable de retrouver Romain Duris, Cécile De France, Kelly Reilly et Audrey Tautou de nouveau dans la peau de Xavier, Isabelle la lesbienne, Wendy l’Anglaise et Martine la coincée. La beauté de ses retrouvailles réside dans l’intelligence des textes de Klapisch qui a su faire évoluer ses personnages et que les acteurs aient su s’investir avec facilité en eux. Ces personnages, pour le spectateur rêveur, semblent leur ressembler. Ils nous représentent.
Par contre, j’avoue que Xavier fait un peu chialeux! Il trouve que sa vie est dure. Dure?! Il vit de son écriture; est resté ami avec ses ex; a deux enfants bien élevés; parvient à déménager, se marier et travailler à New York… Ya vie plus ardue, mettons!!! Mais je joue à l’avocat du diable. Nous sommes au cinéma, le spectateur averti sait pertinemment qu’il assiste à un film. Le point fort réside avant tout dans l’approche humoristico-dramatique des thèmes abordés par l’auteur et Klapisch sait écrire. C’est indéniable! Il ne s’éparpille pas et offre à nouveau un bouillon de culture au goût du jour.
Certaines critiques françaises ont comparé Cédric Klapisch au cinéaste François Truffaut et ont mis au même niveau les tribulations de Xavier à celles d’Antoine Doinel. De même, le réalisateur du Péril jeune (1994) a son comédien fétiche en Romain Duris, tout comme avait le célèbre cinéaste des 400 coups avec Jean-Pierre Léaud. C’est évidemment une magnifique comparaison, peut-être lourde à porter pour les deux artistes du XXIe siècle, mais j’avoue que les histoires de Klapisch s’évertuent à psychanalyser, souvent avec humour et passion, la société où l’on vit. Truffaut avait ce talent remarquable de mettre de l’avant le monde de son époque et savait le scruter avec diligence et intérêt, sans jamais tomber dans le mélo ou la thèse. Franchement, je suis heureux de pouvoir vivre ce genre d’expérience, de grandir, évoluer de la même manière que les personnages qui prirent naissance il y a de ça maintenant 12 ans. Espérons qu’ils continueront à « vivre » dans cinq, dix, voire une vingtaine d’années. Mais pour le moment, vivons le temps présent! 4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net