Critique de

CHILDREN OF MEN/LES FILS DE L’HOMME

Quand la fiction rejoint une réalité

L’atmosphère est lourde, poisseuse. Le ciel est sombre et gris, tout comme les habitants de la ville. Bienvenue à Londres, 2027. L’humanité se meurt, faute de fertilité chez la femme. C’est la résignation chez la plupart des gens; d’autres se rebellent contre un gouvernement totalitaire, qui tente de survivre à un chaos mondial. Ceci sont les prémisses du film d’Alfonso Cuaron, les Fils de l’homme. D’emblée, ce sont nos trippes qui regardent l’univers dépeint par le réalisateur de A tu mama tambien et d’Harry Potter 3, un univers sale, chaotique, en marge du désespoir. Il campe son monde dans un avenir pas si lointain, qui rappelle énormément ce qui se trame présentement dans le Monde. L’atmosphère est à la désolation et la résignation. Quant à ces héros, ils sont passifs, voire régressifs. POURTANT… Cuaron, avec l’aide de son équipe scénaristique, a parsemé le film de « lumière » et d’espoir, à travers de simples faits, de simples gestes. La fatalité pointant, certains personnages se découvrent une humanité et une force qui pourra mener au secours de l’Homme. Voilà une des forces des Fils de l’homme.

Car les personnages sont plus que de simples répondants, miroir d’une société vouée à la mort. Pour quelques-uns, ils ont un but; pour d’autres, des moyens. Tout n’est pas blanc, ni noir dans leurs desseins. Une ambiguïté se lit à travers les dialogues et les silences. De même qu’une évolution s’éclaire chez certains, grâce à un chemin de croix rédempteur. Quant aux comédiens incarnant ces âmes (pas si) perdues, l’approche qu’ils en font est salvatrice pour le spectateur s’identifiant, voyant en ces rôles un double de lui-même, un devenir sans avenir!! De plus, la façon que Cuaron utilise ces protagonistes du « sans lendemain » est fantastique, préférant jouer du hasard et de la fatalité que du mélodrame et du prévisible. Chaque personnage a un but à atteindre et une fois en face du résultat, il s’efface sans retour. Le spectateur s’étant identifié n’ayant comme recours que la suite des événements comme ancre de soutien. Un bon exemple étant la nounou Myriam (Pam Ferris), que nous suivions depuis le début, disparaissant entre des mains militaires, mais sauvant ainsi l’espoir du Monde (pour le moment!) Le destin versus le hasard.

Outre la profondeur des protagonistes, dont Clive Owen est le chef de file (il est sublime de retenue et de sobriété), il y a l’univers glauque et morne que Cuaron a peinturé. Sa direction artistique est subtile, la science-fiction n’étant jamais en avant-plan. Car c’est bien de sci-fi dont il s’agit. Cette réalité joue pour beaucoup dans le succès du film, privilégiant l’histoire de P.D. James au contenant glamour souvent montré dans les productions du genre. Des exemples comme des pubs électroniques sur des bus ou une boisson-suicide-volontaire ne sont pas rares, mais jamais surlignés. C’est la vie de tous les jours! La ligne de conduite du réalisateur n’est pourtant pas simple, ses plans de caméra étant souvent complexes et déroutantes. Habile technicien, le premier plan-séquence est à couper le souffle et désarçonnera le spectateur pour le reste du visionnement, nous laissant sur le qui-vive, sans outil réconfortant nous avertissant de futures alertes.

Peut-être est-ce présomptueux de ma part, mais la première impression qui m’a submergé à la fin du visionnement de Children of men, fut de vivre un Clockwork orange de la fatalité, le « yin » du « yang » de Kubrick. Autant l’univers dépeint par un des meilleurs cinéastes à avoir vu le jour dans le domaine était propre, « class », rhétorique, acerbe et pamphlétaire, bref, cérébral; autant le film d’Alfonso Cuaron est son contraire, mais aussi son complémentaire. La même société, vu du point de vue du cœur et des trippes : l’ensemble est sale, anarchique, brouillon, cynique et… pamphlétaire! Bref, viscéral. Le réalisateur est loin de la coupe aux lèvres, la comparaison étant énorme, je l’admets! Mais le temps ne me fera pas mentir, je crois, les Fils de l’homme est là pour s’immiscer dans nos consciences et faire date, comme l’a été le film de Kubrick en 1971.

Alfonso Cuaron est un cinéaste hors norme, délicieux extra-terrestre dans un Hollywood carburant aux productions établies et aux suites monnayables! Children of men marquera son époque. Fort? Espérons que non! Entre-temps, ne vous privez pas, laissez-vous imbiber de l’essence mexicaine! 4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net