Critique de
CLOVERFIELD
Godzilla peut s’dézipper!!
Brillant! Voilà comment on se réapproprie une recette éprouvée et essoufflée!! La mode, ces temps-ci, est aux shows-réalité et J.J. Abrams, le concepteur des séries télévisées Lost et Alias et futur réalisateur du 11 e Star trek, y a vu un filon à exploiter encore plus loin. Par le biais de Matt Reeves et d’un de ses scénaristes de Lost (Drew Goddard), il a conçu un « film-maison », le genre papa-tient-la-caméra-et-tourne-n’importe-comment (le style à Lars von Trier, en somme!) et rendu terriblement réel l’attaque de New York par une bebitte reptilienne venu d’on ne sait où. Et c’est le plus beau de l’affaire, nous ne verrons jamais vraiment la bête, ni d’où est sa provenance. Les artisans de Cloverfield nous mettent dans les souliers d’un groupe de jeunes adultes qui subissent en temps réel les secousses apocalyptiques du monstre sans pouvoir agir adéquatement. Aucune action/réaction, que de la survie et personne n’est intouchable!
Il y a bien quelques lacunes dans la logistique de l’entreprise, dont celui de filmer en continu. Ou, lorsqu’il y a arrêt de tournage, d’y voir du « footage » enregistré du couple central, un mois précédent l’événement. Logiquement, lorsqu’on arrête de filmer, le « tape » ne continue pas d’avancer. Mais pour les besoins de la cause ET parce qu’ils ne voulaient pas déroger du concept télé-réalité, c’était le meilleur moyen d’inclure de la profondeur aux protagonistes en scène.
Bon, comme c’est un film-catastrophe, on a droit aux scènes héroïques improbables, comme passer d’un édifice de cinquante étages à un autre en sautant d’un palier à l’autre, parce que le second EST ACCÔTÉ au premier, donc sur le point de s’écrouler. Tout ça pour sauver la belle!! Ce gentil moment n’est qu’un petit exemple de tension en continu que Cloverfield nous gratifie, toujours caméra à l’épaule. D’ailleurs, avis aux cœurs sensibles ou à ceux qui détestent la gang du Dogme 95, car tout le film est tourné sans artifice (façon de parler!), aucune stabilité n’est utilisé pour la caméra. Je n’avais pas soupé, le dîner était loin et la nausée frappait à la porte. J’ai sautillé sur ma chaise pour garder ma bile à l’intérieur et vous savez quoi? Cela veut dire qu’ils ont réussi leur coup : nous mettre dans le bain, nous inclure dans la catastrophe.
L’autre bon coup, c’est de ne jamais voir le monstre en entier. Nous l’entendons, nous le subissons, mais il n’interagit jamais avec les acteurs principaux, sinon par le biais des nouvelles télévisées ou la contre-attaque de l’armée. Nous avons par contre droit à ces bébés, sortes de chauves-souris tentaculaires, la grosseur d’un homme, mais LA bête en soi ne se pointe le nez véritablement qu’à la fin pour……. Ben voyons! Pensiez-vous que j’écrirais le punch (même si les plus perspicaces le devineront avant la finale!)
Pour ce qui est des effets visuels, ils sont terrifiants de réalisme, à cause du médium utilisé. On y croirait, à la destruction de la Grosse Pomme. Voir la tête de la statue de la Liberté voler et s’écraser dans les rues de Manhattan est le prologue le plus poignant depuis que Monsieur Mashmallow s’est attaqué à S.O.S. fantômes en 1984.
Quant aux comédiens, que des « nobodies », tous excellents et convaincants dans leur rôle plutôt unidimensionnel, le plus gros étant de sauver leur peau ou de mourir atrocement, avec expectative. Ouille! C’est ça aussi, la vie! Ce qui permet aux spectateurs de rester ancrer dans cette « réalité », car n’ayant aucun visage familier, nous restons concentré sur le sujet principal, c’est-à-dire la survie du groupe.
Honnêtement, je suis heureux de la tournure des événements, à commencer par le marketing à la Blair witch, montrant ici et là, sur le net, depuis quelques mois déjà, des images accrocheuses et mystérieuses du film sans nous expliquer le pourquoi du-quand-est-ce-que-c’est-où-de-quessé??!! Elles nous agrippent et ne nous lâchent pas, jusqu’à la sortie du film. Et même à ce moment, pas une info ne transpire, augmentant les attentes des curieux. Je ne suis généralement pas impressionnable, mais l’idée de Abrams, Goddard et Reeves d’explorer le filon télé-réalité est tout simplement génial, surtout lorsque c’est fait avec intelligence, coordination et imagination. Cloverfield est une marche plus haute que tous les autres films de monstres de ces trente dernières années juste par son concept vieux comme le monde, ne pas montrer tout de suite la bebitte. Pourquoi croyez-vous que Jaws fut le premier blockbuster? Parce qu’il nous tenait en haleine jusqu’à la fin. Par contre, je ne dis pas que Reeves est de la trempe de Spielberg! Tsé, franchement, n’exagérons rien, tout de même! Et pour ce qui est de J.J. Abrams, c’est Star trek XI, à Noël 2008, qui nous dira s’il passe ou s’il casse. Croisez les doigts, trekkies!!
Cloverfield est un must pour les durs de durs. « The next step »!! Bravo! 3.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net