CRITIQUE DE
THE BLACK DAHLIA/LE DAHLIA NOIR
Hollywood interdite
Serait-ce l’œuvre que le public et le réalisateur Brian De Palma attendaient depuis longtemps? La rédemption d’une carrière en dents de scie, avec plusieurs années de vaches maigres? Partiellement. Dire que De Palma (Scarface; Untouchables; Carrie) a enfin trouvé son Pygmalion serait très exagéré, mais il tire plutôt bien les ficelles d’un roman étoffé et lourd de James Ellroy. Le même Ellroy qui avait écrit L.A. interdite, réalisé par Curtis Hanson. La comparaison fera souffrir le film the Black dahlia.
L’auteur a imaginé une enquête à Hollywood autour d’un fait divers véridique, où une jeune actrice a trouvé la mort de façon abominable (je vous ferai grâce des détails). Le meurtrier ne fut jamais retracé. De ce point de départ sordide, Ellroy et Josh Friedman (« l’adaptateur ») ont échafaudé un complot beaucoup plus grand qui touche les hautes sphères, autant artistiques que financières, de la ville du cinéma. L’enquête est menée par deux pugilistes devenus policiers, Lee Blanchard et Bucky Bleichert (Eckhart et Hartnett) qui feront tout pour trouver les coupables et (dé)masquer la vérité. Cette histoire minera leur amitié et celle de la femme de Blanchard (Scarlett Johansson) qui se retrouvera prise entre deux feux.
On voit toujours admirablement bien la signature De Palma, c’est un virtuose de la caméra. Une caméra fluide, vivante, ingénieuse. Depuis le temps, son amour pour Alfred Hitchcock s’est peaufiné et ses films (mêmes les moins bons des dernières années) sont plus achevés techniquement. En fait, De Palma est celui qui a su le mieux maîtrisé son médium, si on le compare à sa gang des années ’60 (Scorsese, Lucas, Coppola). Malheureusement, ce « fanatisme » pour le maître Hitchcock l’a aveuglé de l’autre moitié du-dit médium, c’est-à-dire le fond, le contenu, la profondeur psychologique. En réalisant le Dahlia noir, on aurait espéré qu’il complète enfin un film, qu’il dose adéquatement le divertissement et la psychologie. Mais ce n’est pas le cas! Encore une fois, les personnages sont dessinés en surface, manquent cruellement de fini et, le texte n’aidant pas, se perdent parmi les mots. D’ailleurs, la faute ne revient pas seulement au réalisateur, car le scénariste Friedman a une part du blâme, pour avoir élaboré un texte aussi pesant, avec autant d’informations. À force de concentration, on en perd notre latin! Une épuration, quitte à sacrifier certains chapitres, aurait été la bienvenue.
Par contre, De Palma ne s’est pas tout à fait effacé derrière le sujet et on sent une certaine satisfaction de pouvoir retourner à une époque bénie (fin ’40-début ’50, celle de son mentor) et de pouvoir, par la bande, régler des comptes avec le monde hollywoodien qui ne l’a pas souvent soutenu. Le roman d’Ellroy s’y prêtait fort bien, critiquant avec aisance et transparence actrices « faciles », producteurs véreux, policiers corrompus. Ce que Brian
De Palma a toujours été : transparent, direct et clair dans le sujet de ses films et le choix de ses images.
Le Dahlia noir ne sera pas la rédemption tant attendue. Mais avec un certain recul, c’est du De Palma tout craché, divertissant visuellement, mais incongru dans son propos. 3/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net