Critique de
DÉDÉ, À TRAVERS LES BRUMES
Traverser le brouillard
Fantastique! Ça doit ben être la première fois qu’un film québécois m’intéresse assez pour que je me déplace au cinéma pour le voir ET qu’en plus, je n’en sors pas déçu!!! Dédé, à travers les brumes peut aisément se classer dans les grandes ligues aux côtés de biopics tels Walk the line, Ray et the Doors. Cet exploit, le réalisateur Jean-Philippe Duval (Matroni et moi) le doit en grande partie au comédien/chanteur Sébastien Ricard qui s’efface C-O-M-P-L-È-T-E-M-E-N-T derrière le chanteur des Colocs, André « Dédé » Fortin. Il est époustouflant!!! C’est ben simple, lorsque j’ai vu le véritable visage de Fortin, j’ai dû me rappeler que c’était lui, le chanteur du groupe et non Ricard.
Outre la performance sublime du rappeur des Loco locass (eh oui! Personne n’est parfait!), que les chansons soient bien « réutilisées » et que le rythme ne tombe jamais, Dédé, à travers les brumes est un clip de plus de deux heures qui montre avec intelligence et esthétisme le processus de création du groupe mythique; qui interprète les pièces des albums de 1993, 1995 et 1998 (les Colocs; Atrocetomique et Dehors novembre) avec savoir et sensibilité et qui cerne assez bien le mal de vivre de Fortin. Certes, le film de Duval n’explique pas vraiment le pourquoi du choix fatal qu’a pris le chanteur en 2000, mais émet tout de même certaines hypothèses sensées et n’extrapole pas non plus (ce qui aurait été déplacé, vu que les Colocs étaient sous les feux de la rampe continuellement, donc épié par beaucoup de gens). Nous fûmes les témoins et meurtriers involontaires d’un homme introverti, d’un noir poète se cachant derrière des airs affables et serviables. La pression que ce serait soumis Dédé serait la résultante du coup de grâce, choix logique et punché pour une finale de film.
Avec Dédé, à travers les brumes, on redécouvre les Colocs avec des textes forts, un rythme joyeux et un cynisme agressif. Le dosage entre politique et poésie, revendications et joie de vivre est superbe; les chansons transcendaient les limites de la pop musique, pour rassembler plus qu’un peuple et une génération, mais tous les hommes et femmes à la recherche d’une inspiration, d’un modèle, d’un besoin primaire de bouger. Jean-Philippe Duval a réussi à montrer cette profondeur qui rongeait le défunt chanteur. Je déplore par contre qu’il n’est pas plus exploité l’idée artistique du prologue, avec des images fortes subjectives et intelligentes comme les parents pantins brûlés par un démon ou l’arrivée de Fortin à Montréal en autobus de carton ou encore les dessins du chat et de son amante (quoiqu’il revienne boucler son film avec celles-ci). Reste que le film est loin d’être linéaire et ne cherche pas à surexpliquer les faits et gestes de Dédé et de son groupe. Avec tact et naturel, Duval survole une vie sous-vécu (selon Fortin lui-même) et nous fait traverser le brouillard que fut un excellent groupe que l’on chante encore aujourd’hui, presque dix ans après sa dissolution.
Vous n’écouterez plus jamais les chansons des Colocs de la même façon après avoir vu Dédé, à travers les brumes. Pour ma part, j’ai découvert un artiste que je ne faisais que fredonner. Maintenant, j’ai trouvé deux grands (même si je n’entérine pas le suicide du chanteur) : André « Dédé » Fortin et Sébastien Ricard. Mais je ne me mettrais pas plus à écouter les Loco locass….
Pour la génération X, Dédé… est un film à vivre! Pour tous les autres, des artistes à découvrir! Fantastique!! 4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net