DUNKIRK/DUNKERQUE
Aura de grandeur
Mais juste l’aura, la grandeur viendra (espérons-le) avec le temps. Hey?! Hey!! HEEEYYY (écrit-il d’un ton autoritaire et quasi offusqué)!!!!!! Arrêtez de chialer comme des madeleines sur la première sentence, si je ne suis pas le fan #1 du cinéaste Christopher Nolan, j’suis pas loin! Faut juste savoir prendre un certain recul face à l’idolâtrie. Dans les deux décennies qui ont vu apparaitre un nouveau maître (oui, oui!! Nolan transpire le talent pur de conteur. On vit un moment, quand même!), le réalisateur a su forger sa voie, imprégner sa signature dans le firmament du 7e. Le plus formidable est qu’il ait réussi à rallier le public et la critique tout en restant fidèle à sa vision du cinéma. Un cinéma de divertissement à grand déploiement qui n’empêche pas une certaine relecture du médium et une profondeur digne des classiques. Et c’est ici que je veux en venir avec son dernier bébé (que j’ai quand même adoré, tsé!) : Dunkerque est époustouflant, prenant, saisissant, mais n’a pas la profondeur de ses précédentes œuvres. Certes, Nolan joue encore avec l’espace-temps (trois histoires en une) et fait ainsi confiance au spectateur pour la compréhension de l’ensemble, mais sur le fond, les personnages sont des archétypes de militaires. Des hommes qui n’ont qu’un but : survivre. J’admets que cela ne doit pas être facile de rester fidèle à l’Histoire (une grande défaite pour la Grande Bretagne au début de la Deuxième Guerre Mondiale) et de surcroit, instaurer des détails fictionnels pour garder le public clouer à son siège, mais les personnages manquent de charisme.
Ça n’enlève pas le plaisir et la tension que Dunkirk partage. Dès les premières minutes, tel un soldat assiégé, on est pris au piège. On court des yeux les moindres recoins d’ombres contre une attaque ou une fausse liberté. Nolan réussit à recréer l’ambiance lourde des terribles événements survenus du 26 mai au 4 juin 1940. Il déploie tous ses artifices d’usage (montage elliptique; image aux mille mots; acteurs convaincus; musique épique) pour nous garder en haleine malgré un épilogue répertorié défaitiste. Mon bémol le plus flagrant est justement envers la musique de Hans Zimmer (6e collaboration) qui est beaucoup trop omniprésente. Mais c’est aussi ce que j’apprécie par-dessus tout de Christopher Nolan. Il sait qu’il fait du cinéma. C’est un passionné réfléchi. Il se sert de la caméra telle un scalpel pour décortiquer son médium et la musique nous rappelle qu’on assiste à une reconstitution.
Avec Dunkirk, il sort un peu de sa zone de confort, car il touche pour la première fois à l’Histoire et ses faits. Comment créer la fiction à partir de l’action? En faisant ses devoirs, évidemment. Des trois récits (la plage, la mer et les airs), Nolan s’est approprié des faits véridiques pour les faire sien, mais j’ai senti une certaine gêne quant à leurs utilisations, ne semblant pas oser aller en profondeur sur les rôles, de peur de pervertir ou, à tout le moins, dénaturer les faits. Cela n’empêche pas la distribution d’être solide : Tom Hardy en pilote de chasse a environ dix lignes de textes, mais ses yeux parlent. Mark Rylance (le gagnant du meilleur acteur de soutien l’an passé pour Bridge of spies) communique l’expérience et la sagesse du capitaine de navire à la retraite. L’inconnu Fionn Whitehead est criant de naturel, car inexpérimenté (c’est sa première production. Chanceux!!!!) Ce trio et les autres s’y greffant sont investis et ont fait confiance à leur directeur. Malheureusement, Nolan, en bon tacticien, s’est servi d’eux, tel on se sert d’une caméra, d’une salle de montage ou d’un chef d’orchestre. Le réalisateur parvient à recréer l’événement et à nous convaincre du désarroi vécu, mais tout cela reste au niveau cérébral. Personnellement, Dunkirk ne parvient pas à se hisser au niveau des Apocalypse now, Deer hunter, Platoon et autre Glory, car il lui manque un élément essentiel : l’émotion.
Mais comme je l’ai écrit plus haut, ne montez pas sur vos grands chevaux. J’ai adoré l’expérience. Je vous conseille d’ailleurs de le voir en Imax. Nolan a tourné son film en 70mm ce qui amène un effort épique supplémentaire au visionnement. On est enveloppé! Tout comme le fait d’utiliser lesdites caméras imax directement dans l’action (dans le cockpit, l’étendue de la plage ou cinquante bateaux en mer en même temps). L’être humain est vraiment petit, mettons!??!!?!
Dunkirk reste quand même l’événement à voir cet été et saura se nicher haut aux prochains Academy awards (je prédis, entre autres, une nomination à Rylance. Voire un deuxième trophée en deux ans!!) Techniquement achevé, émotionnellement inconstant. Mais j’suis un avocat du diable…………………………. GGGRRRrrrrr!! 4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net