Critique
de
GOOD NIGHT,
AND GOOD LUCK
"Good day, and thank you"
Court, concentré,
posé, fin, juste, ne sont que quelques mots qui me
viennent à l'esprit lorsque je repense à Good
night, and good luck. Le film de Clooney (qui réalise
ici sa 2e production, après le très correct
Confessions of a dangerous mind) est à l'image de son
(anti-) héros Edward R. Murrow: intègre, professionnel,
direct et éclairant. Ce journaliste (dont je ne connaissais
pas du tout l'histoire!) à oser confronter le sénateur
McCarthy, initiateur d'une chasse aux sorcières communistes
dans les années '50 (appelé depuis le maccarthysme).
Good night,... se veut un message franc au pouvoir (obsessionnel)
des gouvernements face à l'adversité, quel qu'elle
soit. Une entrave à la liberté d'expression!!
Plutôt d'actualité, non??!!
Clooney signe un pamphlet
profond sur les manigances qu'ont les hommes publics et les
fonctionnaires d'État pour atteindre leur but. Pour
le besoin du film, il a pris position du côté
"objectif", celui du journaliste, pour passer son
message. En plus de réaliser, produire et y jouer,
il a écrit une adaptation d'un des événements
les plus marquants du journalisme d'enquête, la confrontation
en direct de Murrow/McCarthy. Se basant évidemment
sur ces faits, il a enveloppé l'instant fatidique d'une
dose intéressante de petits à-côtés
(mariage illicite entre collègues; pression obsessive
d'un "columnist" pour un présentateur; big
boss sur les dents avec les commanditaires), tous des scénettes
qui amènent un surplus d'informations face à
l'épée de Damoclès qui pend au-dessus
de Murrow.
Voici en bref: Début
'50, un entre-filet dans un journal de Détroit éveille
la curiosité d'Edward R. Murrow (sobre David Strathairn),
un des plus célèbres présenteur-intervieweur
de la télévision (le grand-père spirituel
de Bernard Derôme!!): un soldat est viré de la
Air force sans procès parce que son père lit
un journal étranger. Après le reportage, les
événements se bousculent et des ficelles dans
les hautes sphères sont tirées pour étouffer
l'affaire. C'est sans compter sur la ténacité
de monsieur "See it now" (un de ses programmes),
qui soupçonne McCarthy (joué par... McCarthy
par le biais d'archives) et sa chasse-bidon. Une guerre ouverte
s'enclenche entre les deux hommes, une guerre sans véritable
issue pour le journaliste. Mais par honnêteté
professionnelle, il ira jusqu'au bout, aidé de son
producteur Fred Friendly (Clooney) et de son équipe,
qui y perdront des plumes.
Tourné en noir
et blanc, Good night, and good luck ne fait que 90 minutes
bien mouillé, mais on sent de la part du producteur/réalisateur/auteur/acteur
un souci d'authenticité qu'il n'aurait pu se permettre
s'il avait fait affaire avec une grosse maison de production.
Se donnant carte blanche, il n'ira pas par quatre chemins
pour expliquer son point de vue sur l'Histoire, toujours censé
être objective (??!!) Le gros du problème avec
le film, c'est justement le manque d'intégration face
aux protagonistes. Alors qu'on sent une urgence dans le propos,
les images ne font que la montrer. Là où Strathairn
incarne un homme plus grand que nature, la caméra de
Clooney ne fait que passer. Non pas que les comédiens
sont laissés à eux-mêmes. Non! On sent
une complicité dans la distribution (outre Strathairn
et Clooney, il y a Patricia Clarkson, Robert Downey jr., Ray
Wise, Jeff Daniels, Frank Langella, Tate Donovan) qui se communique
bien à l'écran et, d'ailleurs, ils ont tous
excellents. Malheureusement, les célèbres faits
goûtent à leur médecine et l'ensemble
manque de subjectivité. Pour ma part, j'avoue candidement
que j'ai adoré la tension soutenue que Clooney a su
insuffler à l'histoire et le petit côté
documentaire (d'une grande finesse d'esprit) m'a permis de
savourer chaque moment avec intelligence. Good night,... est
un thriller rappellant les Hommes du président, mais
une coche en-dessous (quand même...!!). Pour cinéphiles
engagés!! 4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net