Critique de

GRAN TORINO

Espèce de vieux singe!!

Un film de Clint Eastwood, même de second ordre, est au-dessus de la moyenne.  Pourquoi écris-je cela?  Parce que Gran torino fait un peu bâclé, tourné à la va-vite et joué sans vraiment de conviction.  Évidemment, le vieux Clint n’a plus rien à prouver à personne, surtout pour ce qui est de son jeu introverti et figé qu’il rabâche depuis des décennies.  Il a fini par convaincre tout le monde avec « ce » personnage.  Dans Gran torino, nous le retrouvons sous les traits de Walt Kowalski, un vieux bougon veuf raciste, mais avec la dégaine et l’attitude d’un de ses plus célèbres caractères :  l’inspecteur Harry.  C’est donc une dernière aventure de grand-papa Harry qu’Eastwood met en scène, ave une finale plutôt explicite sur les intentions du réalisateur face à ce personnage.

Ce que j’aime tout particulièrement chez un film d’Eastwood, c’est la force des images et la minimisation des mots.  Grand-papa Clint jase peu, agit avec parcimonie et fait confiance à sa distribution.  Donc, aucun problème de SON côté (il se met en scène).  Par contre, le reste de la production manque cruellement de naturel et le jeu est terriblement inégal, ce qui donne souvent des scènes manquant de mordant.  Quant à la réalisation, il y a un petit relâchement!  On sent la touche Eastwood (la sobriété des images, un montage calme, des plans longs, une musique en sourdine), mais à cause du jeu des acteurs, le tout est mal desservi et manque de finition (j’ai eu l’impression qu’il s’est contenté de moins de « shots » au lieu de tirer le maximum de ses comédiens.)

Eastwood tenait sûrement beaucoup à cette histoire pour la tourner aussi vite (Gran torino est sorti quelques mois seulement après the Changeling).  Est-ce le temps qui rattrape le vieux routier pour qu’il précipite les choses à ce point?  Reste que le message est on ne peut plus clair :  Eastwood, tout comme son personnage,  est en fin de course et a des choses à régler.  Ce qui me chicote le plus, c’est le peu de subtilité du scénario.  Trop de manichéisme, trop de surlignage pour ce qu’il nous a habitué auparavant.  D’accord, la morale est fondamentalement bonne :  tout le monde il est bon, tout le monde il peut changer!!  Ok!  Mais j’avoue que j’aurais préféré qu’il le fasse avec plus de retenue.  Peut-être que cela s’emboite dans l’univers de Dirty Harry, monsieur tape-dans-la-gueule-et-pose-les-questions-ensuite??!!  Si c’est le cas, bravo!  Mais dans ce cas-là, il aurait fallu être encore plus explicite.  On nage entre deux eaux :  celle de l’inspecteur et celle de Mystic river. 

Par contre, loin de moi l’idée de détruire le film.  Bien au contraire!  Il est même agréablement de le retrouver devant la caméra, surtout avec cet humour et cette auto parodie qui plane sur la production.  Car Gran torino se rit de lui, des relations interraciales et de la religion.  Avec tact, quand même!  Comme je l’ai écris plus haut, Eastwood travaille avec déférence et sobriété, malgré certains sujets chauds (le racisme) et on ne peut lui reprocher de porter ce message sur grand écran.  La tolérance est incomprise encore de nos jours!!  Malheureusement… 

Je ne veux pas être prophète de malheur, mais on assiste à une fin de parcours avec ce film.  J’ai senti que Clint Eastwood avait des comptes à rendre et des choses à dire rapidement avant le Grand départ.  Délicat de sa part, mais précipité malgré la lenteur du film!!  Croisons les doigts que je ne me trompe…  C’est un des derniers géants du septième qu’il nous reste et il est encore d’actualité, ce vieux singe!!  N.B. :  En passant, le titre est une marque de char.  Voyez pour comprendre!  3.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net