Critique de

RIO BRAVO (1959) - HIGH NOON/LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS (1952)

"Guéguerre"

Dans les années ’50, une rivalité s’était installée entre deux des plus grandes vedettes d’Hollywood :  Gary Cooper et John Wayne.  Pendant que le premier se concentrait sur le jeu, le deuxième s’affairait sur l’image.  Le Temps donnant raison à Wayne, il n’empêche qu’il y eût vraiment une différence artistique contrastante entre les deux acteurs.  Je me suis donc attardé à un célèbre épisode de cette « saine confrontation » (les deux hommes respectaient tout de même le travail de l’autre), où Wayne accusait Cooper d’idéaliser, voire pervertir le genre western.  High noon est un classique du genre qui a certes quelque peu mal vieilli, mais dont les fondements résonnent encore aujourd’hui.  Le film de Fred Zinnemann, une sommité (a Man for all seasons; From here to eternity; Julia; the Day of the Jackal; the Nun’s story), avait d’ailleurs gagné quatre oscars (dont le meilleur acteur pour Cooper et le meilleur montage) en 1952.  C’est d’ailleurs à partir de cette production que la musique et la chanson se sont distinguées des productions précédentes, car la pièce chantée ne faisait pas partie intégrante de l’action, mais était utilisée comme leitmotiv.  Pour cette « révolution », le compositeur Dimitri Tiomkin gagna deux trophées aux Academy awards.  Ce qui l’amena à être considéré pour le second (hep!)  Très théâtral, mais tourné presqu’en temps réel, High noon laissait toute la place aux tribulations d’ordre éthique pensées par le scénariste Carl Foreman (d’après le court récit de John W. Cunningham).  Du Septième art dans sa plus simple expression (même s’il y avait vraiment beaucoup de travail d’orfèvre sur le plateau!  La photographie de Floyd Crosby est superbe!)
Lorsque Cooper gagna son prix, ce fut Wayne qui alla le chercha en son nom.  Paradoxal? Pas vraiment!  L’acteur le plus reconnu encore aujourd’hui était un homme d’honneur.  Le problème de Wayne est selon moi, et je ne me ferai sûrement pas d’amis, qu’il ne joue pas.  John Wayne est John Wayne sur le grand écran.  C’est pourquoi il était et est encore tant apprécié du public.  Ses convictions politiques, morales et personnelles sont nécessairement reflétées dans ses productions.  Donc, lorsqu’il annonça qu’il allait tourner une contrepartie à High noon, il annonçait ses couleurs sur l’ancienne méthode (il faut que je mentionne qu’Hollywood nageait carrément en plein maccarthysme ou, si vous préférez, la chasse aux sorcières communistes).  Avec Rio Bravo, il présentait un shérif sans peur et sans reproche, le genre dont le public de l’époque était friand, et qui, toujours selon Wayne, n’avait pas besoin d’aide de ses pairs (pointe au personnage de Cooper).  Avec le film d’Howard Hawks, autre sommité (Scarface; the Big sleep; Gentlemen prefer blondes; Sergeant York; Only angels have wings; the Dawn patrol; To have and have not), on assiste au classique film-type de Wayne, où action et humour font bon ménage et où il est entouré de rôles secondaires l’alimentant, mais ayant tout de même leur moment de gloire (on y découvre un Dean Martin convaincant en soûlon, ancien tireur d’élite.  L’acteur déclara d’ailleurs que ce fut un de ses rôles les plus difficiles à interpréter.  Ç’a inspiré un autre artiste, Mel Brooks, pour ne pas le nommer et sa classique comédie Blazzing saddles).
Mais les histoires de High noon et Rio Bravo n’ont pratiquement rien de ressemblant.  Alors que le premier met en scène un shérif délaissé par sa population alors qu’un tueur et sa bande viennent pour lui; le second est sensiblement un huis clos (sauf pour l’épilogue) où le shérif et ses acolytes gardent captifs le frère d’un chef de bande jusqu’à l’arrivée des renforts.  La rivalité entre les deux productions était plus d’ordre idéologique qu’artistique, car, sans rien enlever au travail des artisans de Rio Bravo qui ont créé un vraisemblable village, High noon était nettement plus pointu au niveau psychologique et s’attardait avec minutie sur les personnages et non l’histoire.  Celle de Rio Bravo était d’ailleurs plus convenue que la première!  Cela n’empêche pas que les deux productions soient parvenues à transcender les époques et de rester divertissantes pour tout amateur du genre qui se respecte.  Un genre qui se meurt!  Gagnant de la « guéguerre » selon moi :  le Train sifflera trois fois.  Mais Wayne gagne sur Cooper pour la longévité de sa carrière. Est-ce un plus?  Bah…  High noon 4/5 minimum – Rio Bravo 3.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net