Critique de

HUGO
« Nous lui devons tout. »

Paraphrasant le célèbre cinéaste D.W. Griffith, qui rendait hommage au génie du Français Georges Méliès, je ne puis qu’abonder dans ce sens et Martin Scorsese fait de même en tournant l’adaptation de la bande dessinée the Invention of Hugo Cabret (de l’auteur Brian Selznick).  À la lecture du synopsis du film Hugo, il était indéniable que le réalisateur de Taxi driver et de Goodfellas s’y intéresse.  Scorsese est un amoureux de cinéma!  Il en mange depuis tout jeune.  Il allait donc de soi qu’il veuille toucher à la naissance du médium qu’il chérit tant. 

Sous le couvert d’un orphelin cherchant à survivre dans la gare Montparnasse au début des années ’30, le film Hugo distille tranquillement une histoire plus grande que nature, celle de la genèse du septième art.  Nous retrouvons donc le jeune Hugo Cabret (le nouveau venu Asa Butterfield) qui fera la connaissance d’un vieux marchand de jouets (Ben Kingsley) et de sa petite fille (Chloë Grace Moretz).  Voulant récupérer un carnet de son défunt père (Jude Law) qui lui permettra de terminer un automate, Hugo découvrira que ledit robot à plus à cacher que des nouvelles de son paternel.

Scorsese tente l’expérience familiale.  Nous ayant surtout habitué à des productions plus tendues (mettons!), cette nouvelle avenue s’avère plus que divertissante, car le réalisateur y met toute sa passion et ses connaissances.  En adaptant le roman illustré de Selznick, Scorsese adhère à l’idée que le cinéma est né français, car le récit de Hugo se veut un hommage senti au père des effets spéciaux Georges Méliès.  Installant dans la première partie des personnages quelque peu caricaturaux (l’inspecteur, la vendeuse de fleurs, la boulangère, l’ivrogne), Martin Scorsese, lors de la deuxième moitié, dévoile son amour et son talent lors de flashbacks sur le mystérieux vieil homme meurtri.  On ne peut que s’émerveiller à la vue des reconstitutions de chefs-d’œuvre du maître, tel le Voyage dans la lune ou Faust.  Certes, la vérité est un peu bafouée, Selznick et le scénariste John Logan regroupant des informations d’une vie entière en un tout plutôt homogène (j’admets!)  Mais ce n’est pas le fait que la femme de Méliès ou qu’un professeur fanatique n’aient existé exactement sous ces traits qui pourrait affaiblir l’essentiel :  le rétablissement de l’important impact de Méliès sur le 7e art. 

Cet hommage se veut un cours 101 sur le cinéma pour néophytes, mais tout aussi un divertissement achevé pour ceux qui ne veulent pas voir plus loin (ce qui serait difficile, Scorsese appuyant admirablement sur les images, d’une beauté éclatante.  Gracieuseté de Dante Ferretti et de Robert Richardson).  Quant à la distribution, elle est au diapason d’un message qui la dépasse, mais qui l’englobe, car c’est grâce à celui-ci qu’elle mange et se loge, à commencer par Ben Kingsley qui retrouve une verve et une présence pendant longtemps restées brumeuses.  Son vieil homme, il le cache bien, car un génie sommeille en lui.  Tout comme Sacha Baron Cohen en faire-valoir comique.  À la limite de la caricature, son inspecteur de gare garde une émotion étouffée que l’acteur révèle à petites doses. 

Il y a bien ça et là quelques moments plus soulignés, plus moralisateurs, tout comme il y a les deux jeunes comédiens ayant parfois des moments plus statiques, plus placés, mais rien pour altérer le bonheur de « re »découvrir les deux cinéastes, deux maîtres à pensées de leur époque respective.  Et même si l’un a engrangé l’autre, reste que l’élève peut se targuer de chauffer les talons (et talent) du mentor.  Mais Scorsese est trop humble pour se comparer à des pionniers de la trempe de Méliès ou des frères Lumière.  Je le ferai donc pour lui…  Héhé!

Hugo est une œuvre accomplie qui mérite qu’on s’y attarde.  Comme toujours de la part de Martin Scorsese.  4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net