Critique de
EL LABYRINTO DEL FAUNO/LE LABYRINTHE DE PAN
7,8,9,10!! On a notre conte!
C’est avec délectation et jubilation que je vais écrire sur le dernier né de Guillermo del Toro. L’univers du réalisateur a toujours été ancré dans le fantastique, le gore, le burlesque et le sensationnalisme. On n’a qu’à penser à Blade II et Hellboy pour s’en convaincre. Mais Guillermo, c’est plus que cela! C’est aussi el Espinazo del diablo et Cronos, des films plus intimes et culturellement parlants. El Labyrinto del fauno est sa plus achevée et sa plus personnelle de ses productions. Il catapulte l’action de son film dans les débuts du franquisme espagnol, en 1944, alors qu’une fillette se retrouve avec un nouveau beau-père pas commode, commandant zélé des troupes gouvernementales. Mais del Toro ne se contentera pas de montrer les tribulations d’une guerre sanglante, il fera aussi un parallèle, par l’entremise de l’imaginaire de son héroïne, avec un monde fantaisiste peuplé de créatures étranges, féeriques et hideuses, tous des alter ego à la sombre réalité.
Ce qui déroute avec l’univers du réalisateur, c’est sa façon crue de présenter les images. D’accord, la guerre est un acte barbare et irréfléchi en soi et del Toro, fidèle à ses habitudes, y met moult détails pour nous le faire comprendre (ex. : jambe gangrenée et sciée; interrogatoire tortionnaire; joue et bouche déchiquetées, etc.) Mais lorsque le film est porté par de frêles épaules âgées de 12 ans du nom de Ivana Baquero (excellente!), qui s’imagine princesse d’un royaume et en quête de le retrouver, on est en droit de se demander si le dosage entre LA réalité et ledit royaume est juste et plausible. La réponse est OUI!! Guillermo del Toro a su trouvé le ton adéquat, l’équilibre parfait, pour pondre un conte pour adultes (ces derniers mots sont d’une importance capitale! Le Labyrinthe de Pan n’est pas pour enfants!) Nous suivons donc la quête d’Ophelia, à travers trois épreuves soumises par le Faune, mais aussi ses mésaventures avec son beau-père et la grossesse difficile de sa mère, le tout sur fond de confrontations entre rebelles et Franquistes.
.Plusieurs verront dans le Labyrinthe de Pan une ode à la Mort, la souffrance et le désespoir. Qu’il faut s’échapper de la réalité par l’imaginaire. Je dirais que c’est bien une ode à la Mort, mais qu’il y a l’Espoir. Le Faune, figure emblématique et mystérieuse, se présente à la jeune fille alors qu’elle tente de se raisonner de sa situation. Ses livres de conte aidant, elle prendra le chemin offert par la créature, car elle cherche à s’évader de la réalité. Mais ce qui a de bien, c’est qu’au fil du récit, ce sera justement la plus sensée et balancée (avec la nounou, jouée par Maribel Verdu) et que ses aventures lui permettront de tenir le coup et de ne pas sombrer dans le désespoir qui grandit autour d’elle. Le Faune n’aura pas le dernier mot sur elle, ce guide ombrageux devra se plier devant tant de volonté s’il veut lui aussi survivre. Quant à del Toro, il nous donne quelques signes de folies grandissantes au travers de ses personnages, comme Vidal (le commandant) se regardant dans le miroir et feignant se couper la gorge ou le docteur (Alex Angulo) au bout du rouleau, anesthésiant un rebelle. La jeune fille, elle, ne perdra jamais pied et ira jusqu’au bout de sa quête.
Ce qui a sûrement choqué les puristes fut la fin! Nous ne sommes pas habitués à ce genre de situation visuelle. Certains resteront au premier degré et seront outrés; d’autres, comme moi, se réjouiront de cette candeur et y verront « une » réponse au désespoir. La Vie, c’est plus que la matière!! Suspense… Voyez le film pour comprendre les dernières phrases et même si vous n’abondez pas avec mon point, le Labyrinthe de Pan est un must!
D’ailleurs, la distribution complète est sublime de sobriété, malgré la lourdeur du sujet! Sergi Lopez (seul nom connu), en commandant autoritaire, est extraordinaire, jouant jamais dans l’excès, ni la caricature. Il est effrayant! Tout comme la petite Ivana Baquero, qui parle avec ses yeux et ses gestes. Mais un film de Guillermo del Toro ne serait pas complet sans les effets spéciaux et les maquillages. Et ils sont parfaits, rappelant beaucoup le Seigneur des anneaux et Legend, de Ridley Scott (film méconnu et intéressante incursion du réalisateur dans le fantastique), mais à la sauce mexicaine!
Le Labyrinthe de Pan est une œuvre déroutante, visuellement marquante et textuellement achevée. Le rêve de del Toro est atteint : il a fait le film qu’il voulait et nous sommes à ses pieds (Du moins, je le suis!!) « We’re not worthy!! » À voir A-B-S-O-L-U-M-E-N-T!! 4.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net