Critique de

THE WRESTLER/LE LUTTEUR

Un tragique divertissement

Darren Aronofsky est un réalisateur à part.  Sa façon de raconter une histoire dépasse largement le cadre du simple divertissement.  Pour lui, un film semble être une œuvre, un moyen de sceller un message dans l’éternité.  Un artiste, quoi!!!  Ceux qui ont vu Requiem for a dream savent de quoi je cause!  Les autres, attelez-vous!  Ce film est une descente aux enfers et un moment de pur bonheur pour le cinéphile averti.  Chaque production d’Aronofsky est un événement en soi et sa carrière est encore toute jeune.  Avant the Wrestler, il y a eu the Fountain avec Hugh Jackman et Rachel Weisz qui traitait de l’amour, de la vie éternelle, du karma et une pléiade d’autres thèmes lourds.  Ce n’est jamais facile de suivre le réalisateur (lire la rafale).  The Wrestler est tout aussi déroutant que ses précédents de par sa conventionalité, sa simplicité et son efficacité à conter la vie d’un quidam, de ses succès à sa déchéance à sa rédemption.  The Wrestler est le Straight story (de David Lynch) du réalisateur.

La caméra d’Aronofsky commence par montrer les succès sur posters du lutteur Randy « the Ram » Robinson en travelling droit sur fond musical des « eighties » pour ensuite descendre vers SA défaite aux mains d’un rival.  En moins de deux minutes, Darren Aronofsky à raconter son film sans qu’un mot ne soit prononcé.  Alors, quel est l’intérêt de continuer à regarder les déboires d’un « has been » vivant au jour le jour jusqu’à aujourd’hui?  Mickey Rourke!!!  Comme son personnage, Rourke à connu la gloire, la misère et voici son retour.  Quel retour!!  Il porte le film sur ses épaules détruites par l’alcool, la drogue, le sexe et la violence.  Un rôle fait sur mesure pour l’acteur qu’il ne joue pas.  Mickey Rourke EST the Ram, tout comme Jamie Foxx fut Ray Charles dans le film de Taylor Hackford ou Joaquin Phoenix fut Johnny Cash dans Walk the line.  Le rôle d’une vie!  Aronofsky le savait et à tourner des plans qui en disent longs sur l’homme et la bête.  Des images qui témoignent de la pesanteur du temps, qui montrent la dure réalité d’un « loser » qui s’accroche au passé.  Rourke a joué plus que l’humilité, il a joué sa vie. 

Le Lutteur ressasse la Grande époque de la lutte professionnelle, de ses manigances, de ses tordus prêts à tout pour la piasse, la gloire et la reconnaissance.  Le Lutteur montre le « day-to-day » d’un de ses hommes qui ne veut pas oublier et qui lutte pour ne pas se noyer dans les méandres de ses souvenirs.  Et contrairement au personnage, Darren Aronofsky et le scénariste Robert D. Siegel feront tout pour lui mettre des bâtons dans les roues, pour le ramener à la réalité, pour l’obliger à «réaliser ».  Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que le personnage gagne sur son créateur.  Le monstre prend le taureau par les cornes et défait le Dr Frankenstein.  Par une fin que l’on voudrait ouverte…!!??!  Qui laisse une petite place à l’interprétation.  Mickey Rourke renaît! 

Le réalisateur de Pi (premier film TRÈS cérébral) a ni plus, ni moins tourné un docu-fiction!!  En nous rappelant nos belles années passées devant la télé à regarder du « fake », Aronoksky nous montre le pathétisme de nos vies, l’espoir que l’on se créait à vivre pour ses « guerriers », il nous ramène à nos propres vies et nous dit d’ouvrir les yeux.  Pour plusieurs, ses souvenirs sont enfouis, mais le but d’un film (selon moi) est d’éduquer, d’instruire tout en divertissant.  The Wrestler est l’exemple type d’une œuvre qui joue sur plus d’un front de par son sujet et ses allégeances.  Des allégeances sur la politique, la relation père/fille, le suicide, la foi, l’amour.  Des thèmes concentrés en un seul être, un lutteur professionnel!!  Si Shakespeare était encore en vie, il ferait de Darren Aronofsky son dauphin.  The Wrestler est une tragédie contemporaine.  Sublime!!  4.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net