LE PRÉNOM
____ “mot dire”
(Mettre le mot approprié dans l’espace vide : sang, sens, cent, s’en, sent, sans) Comme quoi, le choix des mots amène une définition nouvelle!
Je l’ai déjà mentionné auparavant dans mes rafales et critiques, mais j’aime rafraichir les mémoires. Soyons professoral! Pour faire un bon film, il faut au minimum deux ingrédients essentiels : un scénario béton et un réalisateur à l’avenant. Rares sont les productions qui peuvent se targuer d’avoir les deux en même temps et lorsque c’est le cas, généralement, vous les verrez honorer de nombreux prix. Un réalisateur signe une œuvre avec des outils. Outre le scénario, il peut faire passer un acteur pour un dieu et un amalgame de scènes, une fois montées, pour la quintessence du cinéma. Bon, il y a les décors, les costumes, la musique et j’en passe… Quant au scénario, il est le squelette du film, sa colonne vertébrale. Si, par malheur, une ligne ne fonctionne pas, le squelette a un malaise. Le réalisateur pourrait cacher le petit bobo, mais quelque chose ne tournerait plus rond. Le film boiterait! Quand je regardai le Prénom (de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière), je ne m’attendais à rien. J’étais sur le mode « débarras » ou en mots clairs, « ça va être faite!! »
(…)
‘SUR LE CUL!!! Ça commence avec un livreur sur une moto qui sillonne Paris et une voix « off » qui narre les noms de rues utilisées. D’un humour macabre, quand on sait que les hommes illustres furent tous pendus, écartelés, brulés ou autres supplices! Il sonne à la porte d’un logement et apparaissent deux des cinq protagonistes (Charles Berling et Valérie Benguigui) qui prennent la tête du pauvre garçon, au sens visuel et non au propre. Le ton est donné : le choix des mots aura une importante signification. La voix narre toujours ce qu’elle voit et bien plus. Arrive deux autres rôles (Guillaume de Tonquedec et Patrick Bruel) pour un traditionnel souper entre copains et la nouvelle tombe : l’un d’eux aura un enfant et il s’appellera… La guerre des nerfs commence.
Délectable! Un flot ininterrompu de blagues, de cynisme, de non-dits maîtrisés par des acteurs en parfaite symbiose (ils ont tous joué ce texte au théâtre, sauf Berling. Mais rien n’y parait!) Ce huis clos sur le prénom du futur bébé EST ce que tout cinéaste rêve d’avoir : de la magie mise sur papier et respirée par des comédiens agiles. Delaporte et de La Patellière savaient qu’ils avaient une perle en main. Ils l’ont écrit! Ce qui joue en la défaveur de la production est la restriction du lieu et encore, ‘faut être pointilleux! Les réalisateurs tentent de pallier ce bémol en incorporant quelques souvenirs racontés au montage (des flashbacks), mais personnellement, je n’en voyais pas l’utilité. Leur texte imagé faisait déjà le travail. Ce genre de stratagème montre seulement qu’ils ont manqué de confiance en leur produit. L’action n’a pas à être seulement gestuelle, elle peut être cérébrale et dans le Prénom, l’exercice est un magnifique défi. Le plus merveilleux est que, malgré l’érudition des personnages, les mots utilisés sont accessibles et porteurs de sens au même titre que s’ils avaient été pervertis par un psychiatre éhonté (Ce dernier aurait d’ailleurs beaucoup de plaisir à rencontrer ce groupe d’amis!!)
Les critiques françaises comparent le Prénom à une autre comédie qui a fait sa marque par son scénario et ses comédiens : le Dîner de cons (de F. Veber. 1998). Un autre texte qui a vu naissance sur les planches de théâtre avant de faire sa renommée au cinéma. Je leur donne entièrement raison! Les auteurs Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière sont des scénaristes dans l’âme (Renaissance; l’Immortel; the Prodigies), mais ces projets ne reflètent pas vraiment qui ils sont vraiment. Ce sont des adaptations, réussies pour certaines, mais des œuvres non personnelles. Ce fut une excellente idée, comme première réalisation, de mettre en images quelque chose qui les représente. Certes, ils ont encore des croûtes à manger avec une caméra dans les mains, mais c’est bien peu en comparaison du restant des ingrédients de la recette.
Le Prénom est une comédie intelligente ET drôle, où la portée des mots et leurs sens à une valeur inestimable. À voir et rire (jaune)! 4/5 min. par François Gauthier cinemascope@deltar.net