Un beau contenant
AVEC du contenu
Critique de
LE SURVENANT
Notre cinéma,
quand il ne fait pas dans l'facile (les Boys 12!) ou le mélonulle
(Dans l'oeil du chat), il produit de "l'époque".
On a eu droit aux extrêmes en moins de trois ans: Séraphin
(THE big succès) et Nouvelle-France (THE big flop!)
Voguant sur la houle du film de Binamé, les producteurs
Claude Veillet et Jacques Bonin ont décidé de
transposer une autre icône de la culture télévisuelle:
le Survenant (avec le beau Jean Coutu!!) (...) En attendant
Aurore.......... Yishhhh!! "Ya d'l'argent à faire
avec les vieux"!! Ben, franchement, pas juste avec eux!!
La bonne idée,
vous autres, de ramener une histoire de relation humaine,
sans héros ni méchant. Juste du rapport homme
à homme, avec toute la complexité que notre
esprit peut cacher. Et là, je félicite tout
de suite le travail de la scénariste Diane Cailhier
pour son adaptation du roman de Germaine Guèvremont.
Elle a su montrer la profondeur de l'âme, le mystère
qui se cache derrière chaque habitant, ses craintes,
ses petites joies, ses aspirations, ses jalousies... Un travail
qui ressort toute la beauté d'une oeuvre qui semble
être intemporelle (j'avoue ne pas avoir lu le livre,
ni avoir vu la série. Donc, j'étais vierge.
Je voyais un film, tout simplement!) Une histoire de grain
de sable qui vient dérailler la roue de la continuité;
d'un corps étranger dans un microcosme bien huilé.
Une histoire comme on en a vu tant déjà...?!
Oui, mais avec un souffle nouveau. Fini, les films d'époque
misérabilistes où tout est pauvre, gris, crève-la-faim...
Le Survenant nous présente un passé vivant,
bien dans sa peau, où il fait bon vivre.
Le tout débute
après la Deuxième Guerre (jamais mentionné,
par contre!). Une bonne soirée, un homme frappe à
la porte d'une maison, demandant le gîte en échange
d'un travail de bras. L'hôte (magnifique Gilles Renaud)
invite l'inconnu (Jean-Nicolas Verreault) à entrer
en l'interpellant "le survenant". Il restera mystérieux
jusqu'à la fin! De jobines en jobines, les deux hommes
s'apprivoisent, au grand dam du fils (François Chénier,
seul bémol!!) La rumeur court au village qu'un étranger
s'est installé. Les semaines passent et le survenant
ronge peu à peu son frein, la Grand'route l'appellant.
Mais une partie de son coeur s'attache à la vie paisible
du village ET à une dame (Annick Lemay). Que fera-t-il?
Se sédentariser ou retrouver sa liberté? Il
ne sera pas aider d'une partie du village qui ne voit en lui
qu'un vagabond, qu'un être aux idées libertines
et malveillantes pour leurs jeunesses. Je ne conterai pas
la fin, même si la plupart d'entre vous la savez déjà...
Donc, j'écrivais
plus haut que ce que j'aimais du Survenant, c'est cette idée
de passé lumineux, où tout n'est pas que noir
et/ou blanc. Montrer une époque tel qu'elle devrait
être: comme aujourd'hui! Avec ses hauts et ses bas;
ses printemps et ses automnes; ses anciens, réfractaires
au nouveau et ses jeunes, ouverts au changement. Et vice-versa!!
Mais le plus beau, c'est qu'on a l'impression de voir un livre
qui nous présente une utopie de ce qu'on voudrait que
soit Notre passé. Nous sommes tellement mal-informés
de ce qui s'est réellement passé il y a seulement
50 ans, que le film montre un endroit idéal qui nous
semble n'avoir jamais existé. J'appelle ça une
rectification, merci à Éric Canuel pour sa bienveillance
au roman.
D'ailleurs, parlant
du réalisateur, j'avoue avoir eu des doutes sur son
choix, ses deux dernières "oeuvres" (!) ne
m'ayant pas du tout convaincu de son talent de raconteur.
Je vois maintenant les choses autrement: oui, Nez rouge et
le Dernier tunnel restent des platitudes sans nom. Par contre,
avec du recul, je crois qu'il s'est fait les dents sur le
drame romantico-pocheton et sur le polar-actionpack-policier.
Il a galvaudé les deux genres pour enfin les maîtriser
sur Le Survenant. C'est son film le plus achevé (sur
une filmographie de quatre, la Loi du cochon venant en deuxième,
c'est mieux qu'une claque sur la gueule!) Je dirais même
qu'il surclasse Séraphin en frais de profondeur, autant
psychologique que technique. Les personnages, les comédiens,
la direction-photo, la musique (de Michel Corriveau), etc.
sont plus au service de l'oeuvre que peinturés à
elle. Ce ne sont pas de magnifiques tableaux disparates placés
un à l'autre pour donner, au final, un beau résultat.
Mais plutôt des ingrédients soigneusement choisis,
pas extraordinaires, mais qui, ensemble, donnent un bon mélange.
Nuance! Ici, on fait appel au ventre avant les yeux et, une
fois rassasié, on se souvient d'avoir aimé.
Le Survenant fait appel à nos émotions, vient
nous chercher pour nous amener là où il le veut
bien. Et on suit!
De plus, il est plaisant
de voir à l'écran des visages moins (re)connus,
ce qui nous permet de se rattacher plus facilement aux personnages.
C'est sûr que Verreault n'a pas la prestance de m. Coutu,
mais je trouve le casting parfait pour un coureur de grands
chemins. Il joue bien l'homme libre, égoïste,
il fait plus "indépendant" que la bouille
aristocratique du personnage de la vieille série (je
ne dénigre pas Jean. C'est un excellent acteur. Mais
on avait besoin d'un "refresh" actuel.... J'vas
m'faire tuer!) Le seul petit hic côté jeu vient
de François Chenier qui montre plus qu'il ne vit son
personnage. Il est inconstant! Pas mauvais, loin de là,
mais... En fait, tout le reste de la distribution est merveilleuse
et je le redis: Gilles Renaud est magnifique!
Enfin, un beau contenant
AVEC du contenu. Que demander de plus pour une cinématographie
québécoise? En fait, que demander de plus d'un
film tout court? (C'est pas parce que c'est Québécois
qu'on devrait faire un classement à part! C'est un
bon film, "ce toute"!)
N.B.: Amener vos mouchoirs...
4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net