Critique de

MESRINE – L’INSTINCT DE MORT
Égo, let’s go!

Bien plus que l’apologie du criminel français numéro un des années ’60 et ’70, Mesrine 1ère partie tente la démonstration de la genèse de cet homme brisé par la guerre algérienne et son retour à une vie  « normale » pour ensuite cheminer vers son destin.  Commençant le diptyque par une tentative d’assassinat mystérieuse, le réalisateur Jean-François Richet démontre qu’il ne tient pas à élever le rang (déjà haut) de Mesrine, mais plutôt de montrer la vie difficile qu’il a choisie et les choix que le voleur devait faire pour survivre.  De ce début prometteur et haletant, Richet et le scénariste Abdel Raouf Dafri nous ramènent en arrière, où un jeune et fringant Vincent Cassel vit, en témoin, un interrogatoire musclé.  Ce supposé déclic fera du soldat patriotique Mesrine un homme aux convictions chancelantes.  D’ailleurs, Cassel est tout simplement stupéfiant dans le rôle principal, investi, charismatique et dégageant une aura bestiale.  Tout au long du long métrage, nous découvrirons un acteur caméléon, tel le véritable cambrioleur, qui passera de bon père à monstre vengeur, beaucoup de contradictions en un seul homme.

Richet n’y va pas de main morte non plus, montrant les vendettas sans artifices, la caméra scrutant les visages ensanglantés des victimes, tout comme cherchant l’humanité dans ceux de Mesrine et de ses collègues (comme l’imposant Depardieu ou l’animal Dupuis).  L’amitié qui unissait le criminel à sa bande semblait le lien le plus solide qui faisait encore de Mesrine un homme.  La loyauté et l’honneur étaient des balises qui s’étioleront suivant les cambriolages et meurtres que ses comparses et lui machineront.  Richet mettra sa caméra au profit de Cassel et, tout au long du visionnement, cherchera à analyser le personnage par son action et non ses émotions, même si l’acteur joue le rôle de sa vie (il a d’ailleurs gagné le César 2008 du meilleur comédien.  Mérité!)  Richet ne plantera pas sa caméra, mais en fera un instrument de témoignage direct, à la limite du documentaire et osera la psychanalyse par l‘image.  Défi d’autant plus dur que personne ne veut vraiment rendre humain un tel homme.  Pourtant, grâce au réalisateur et Cassel, on se surprend (presque) à sympathiser avec le voleur, tant les deux artistes croyaient au projet (Quant à Richet, il a été récompensé comme meilleur réalisateur la même année). 

Il faut admettre que l’acteur fut bien entouré, tant par la reconstitution des décors et costumes que par les seconds violons (outre Depardieu et Roy Dupuis, tous deux efficaces), car ce sont les femmes voletant autour qui décidèrent involontairement Mesrine à devenir ce qu’il est maintenant.  De la putain loyale à la mère exotique en passant par la frondeuse, Florence Thomassin, Elena Anaya et Cécile De France ont des rôles ingrats, mais essentiels au développement du criminel.  Comme tout le monde sait, « derrière chaque grand homme se cache une femme » et Abdel Raouf Dafri a usé de cette maxime en son plein potentiel pour cadrer le personnage. 

Évidemment, le spectateur d’ici se sentira d’autant plus interpellé qu’une partie des actions du criminel se sont passées en terre québécoise et qu’il a lui aussi écrit une page de l’histoire mouvementée des années ’70, en enlevant le milliardaire Deslauriers (Gilbert Sicotte) et participé, de ce fait, à la propagande felquiste.  « Vive le Québec libre », qu’il paraphrasait!!  Suite à cette débâcle, Mesrine fut interné en sol québécois et cimentera, pendant son pénible séjour, sa témérité, sa folie, sa loyauté pour son prochain…  criminel!  Grâce à l’évasion qu’il perpétra avec Jean-Paul Mercier (Dupuis), il enclencha une enquête qui fermera les portes du pénitencier U.S.C., pour cause de maltraitances.  Jacques Mesrine fut un caillou dans le soulier de plus d’une personne!  Être son ami était dangereux, car, plus que son amitié machiste, il y avait lui!  Son égo n’avait d’égal que sa soif de gloire éphémère…

(La suite dans le volet deux :  Ennemi public n’1)

4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net