Critique de

NO COUNTRY FOR OLD MEN/NON, CE PAYS N’EST PAS POUR LE VIEIL HOMME

Aride comme un soleil de désert

Enfin sur nos écrans, un mois après tout le monde, mais ça, c’est un autre dossier. Ce qui nous intéresse, c’est le contenu, pas l’enrobage autour. Et quel contenu!!! De loin un des meilleurs films que les frères Ethan et Joel Coen ont concocté depuis des lustres. En fait, depuis l’oscarisé Fargo en 1996. Non pas que les suivants étaient irregardables, mais disons simplement de moindre qualité. En passant, un film de moindre qualité, de la part des Coen, c’est un chef-d’œuvre de la part d’un quidam!

Encore une fois, ils nous prennent à revers avec une histoire toute simple, décrite de façon mathématique, réaliste et froide. « It’s the real life, man! » Un homme chasse (excellent Josh Brolin), tombe sur un carnage, y découvre une mallette d’argent et disparaît avec. Un autre est dépêché sur les lieux (sinistre et I-N-C-R-O-Y-A-B-L-E Javier Bardem), reçoit le contrat de retrouver le magot ET le voleur, liquide tout ce qui bouge et retrace le voleur. Un troisième (posé et décontenancé Tommy Lee Jones) enquête sur cette poursuite calculée, entre deux êtres intelligents (on est loin du bête chat et de la bête souris!) et ne peut qu’observer, toujours en retard d’un coup!!

No country for old men est sans contredit un des meilleurs films à avoir été projeté sur les écrans, en 2007. Les frères Coen ont retrouvé leur verve d’antan, celle qui les avait mis sur la mappe en 1984 avec Blood simple. Un hommage au film noir des années ’40, avec la violence et le cynisme d’aujourd’hui. No country for old men comporte aussi toute l’expérience et la clarté scénaristique de Barton Fink et Fargo. No country for old men est l’apothéose des meilleurs films des Coen. Pourtant…!! Pourtant, certains pourraient trouver lourd ce film qui ce traduit simplement par une poursuite entre deux arrivistes calculateurs, où ni l’un, ni l’autre ne respecte son rival. Ils reconnaissent leurs compétences et intelligence respectives, mais s’autoproclament l’homme le plus brillant. Pourtant, celui qui se démarquera de cette aventure est le témoin de toute cette abracadabrante histoire, le policier qui arrive comme un cheveu sur la soupe, dont le plat est déjà terminé! Le shérif, tout aussi intelligent que ses fuyards, analysera la situation et restera en retrait juste assez pour sauver sa peau.

Les Coen ont su traduire l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus noire, tout en gardant leur côté comique omniprésent, ce comique de situation si subtil qui fait leur réputation. Jamais une séquence, une phrase, une image n’est présenté au spectateur (qu’ils savent intelligents) sans qu’elle est sa raison d’être! Cela donne une production aride, méthodique, mais jamais improbable. Ils auront su trouver ce côté réaliste qui détache une œuvre d’un film.

Comme je connaissais déjà le talent des frangins pour l’écriture, je me suis surtout attardé à leur direction d’acteurs qui est généralement leur point faible. Ils sont tellement pris par la logistique technique qu’ils en oublié souvent les comédiens. D’ailleurs, ils savent déjà qu’ils ont ce petit défaut, car vous ne trouverez jamais un acteur de série B dans leurs productions. Toujours, les comédiens à l’écran connaissent leur métier (Tom Hanks, Jeff Bridges, George Clooney, Paul Newman, Tim Robbins, Frances McDormand, William H. Macy, Billy Bob Thornton sont quelques-uns de ces « ordinaires » acteurs qui ont défiler dans la filmographie de Joel et Ethan Coen) Dans No country…, Ô surprise! Des acteurs moins éclairés par les spots hollywoodiens! L’impression qui en ressort est toute personnelle : les Coen savaient tellement qu’ils tenaient là un scénario machiavéliquement brillant qu’ils se sont attardés aux porteurs du message. Et c’est « toute » qu’un job d’artiste!! Josh Brolin, qu’on ne connaissait pratiquement pas, est excellent; Tommy Lee Jones, ce vieux routier qui en a vu d’autres, est toujours fidèle au poste; mais la quintessence de « l’acting » vient de l’Espagnol Javier Bardem qui joue un personnage à l’opposé du dernier rôle qu’il nous avait donné, celui d’un quadraplégique dans la Mer intérieure. Voilà un travail de composition! Que de la retenue, un regard macabre et fou, une démarche assurée qui diffuse la Mort, Bardem est extraordinaire. Nous avons affaire ici à un trio de première qualité, où une nomination à l’oscar pourrait poindre.

De toute manière, ça n’a jamais été le but avoué des Coen que de mériter des trophées. Chaque production a vu le jour à cause d’une passion qui anime les deux artistes, celle de raconter une histoire. Et cette passion a toujours su faire son chemin jusqu’au spectateur cinéphile, car avouons-le, l’œuvre des Coen n’est pas toujours a la portée de tous. Surtout leurs drames! Et No country for old men est sûrement un des plus lourds que nous ait donné les frèrots. L’histoire est limpide, monté de façon plutôt linéaire, avec des historiettes en filigrane qui se rattachent à la principale. Jamais le spectateur ne perd le fil du récit. Aucune musique (ou si peu) pour adoucir et noircir le propos. Que des images simples et efficaces qui ont chacune leur portée dramatique. Mais si peu d’action et un scénario avide d’explications. On est loin du crayon feutre pour souligner les morales et les intentions si souvent utilisé ailleurs!!!!

Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme est du grand art! Oui, du Grand!! Embarquez dans ce train de banlieue qui vous mènera tranquillement vers les tréfonds de l’âme. « All aboard in that crazy train!! » HAHAHAHAHAHAHAHA!!!!!! 4.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net