ROBOCOP
Homme ou machine?
Robocop est un film d’une génération, au même titre que les Goonies, Back to the future et autres Danse lascive. Robocop répondait à une demande d’adolescents nord-américains qui voulaient grandir, devenir adulte. En 1984, Terminator faisait son entrée par la porte d’en arrière, car la violence et les thèmes abordés ne pouvaient convenir à une certaine clientèle trop jeune encore. Mais cette clientèle a eu trois ans pour murir et se nourrir de productions de plus en plus enclines à une certaine violence graphique. Quand le cinéaste hollandais Paul Verhoeven, tout droit sorti du sanglant Flesh+blood, se voit offrir la chance de tourner en sol des rêves faciles, il le fait avec grandiloquence et sarcasme, avec ces touches d’autodérision et d’insultes calculées, qui le caractérisent si bien. Robocop marquera la fameuse génération X.
Depuis, le personnage a réussi à survivre à deux suites (qui allèrent tranquillement vers la basse qualité) et d’innombrables apparitions dans des séries télé de second ordre. Pourquoi tenter un autre essai? Car Hollywood n’a pas d’imagination, c’est bien connu. La ville des rêves carbure à la nostalgie (et les exemples de remakes fusent!) Est-ce que Robocop, le personnage des scénaristes Ed Neumeier et Michael Miner, pourra survivre à une nouvelle attaque? Vous voulez vraiment le savoir, amateurs finis (dont je fais parti)? Eh bien, près de trente ans furent nécessaire pour enfin avoir de la chair autour de l’armure!!! Oui, Robocop 2014 est réussi. Les artisans attaquent intelligemment le rôle, lui conférant une psychologie qui permet de multiples questions sur une telle existence. Avec cette production, science et fiction font un très bon ménage, posant de bonnes questions d’éthique, de morale, d’humanité… Certes, l’action a une part belle, mais encore, l’utilisation de la caméra à la première personne (comme dans les jeux vidéo de tir), ose appuyer sur le questionnement de tels jeux dans nos vie et l’intégration d’une violence banalisée dans l’esprit des joueurs.
Le plus beau coup fut de s’attarder réellement sur le personnage, de lui donner une conscience qui se dissipera peu à peu au cours du récit pour le bien-être et la sécurité de la multitude (et des profits de la compagnie Omnicorp.) Le scénariste Joshua Zetumer a respecté les fans et a gardé les éléments clés du classique de 1987, mais a su creuser le caractère pour ainsi permettre au spectateur une meilleure identification, surtout par le biais d’une plus grande présence de sa famille (Abbie Cornish et John Paul Ruttan) et d’une conscience morale de la part du médecin opérant (parfait Gary Oldman). Un autre bon coup de la part de Zetumer fut d’intégrer l’animateur télé Pat Novak (Samuel L. Jackson), démagogue partisan, qui amène à la production cette dose d’autodérision qui allait bien au premier film. Tout en appuyant sur l’apport démesuré de la présence des médias dans les vies américaines, le scénariste critique ce besoin infondé de surprotection d’un mode de vie pas toujours équitable. C’est parfois montré avec peu de subtilité, mais le second degré est toujours au rendez-vous!
Venons-en maintenant au personnage en soi! 27 ans plus tard, il n’a pas vraiment changé et est toujours d’actualité. Le clin d’œil argenté de la première armure est souriante, mais 2014 oblige, le nouveau look plus sombre et ses lignes plus courbés donnent au rôle un côté plus humain et plus imprévisible, l’homme étant de cette nature. Dans le costume, l’acteur Joel Kinneman s’acquitte bien de sa tâche, tentant souvent maladroitement d‘humaniser le robot, car tout se passe par le visage (évidemment!) Mais dans l’ensemble, son travail est respectable. La meilleure note (outre l’histoire revampée) va à l’Espagnol José Padilha, réalisateur des deux Troupe d’élite (2007 et 2010). Malgré l’apport des effets spéciaux fort réussis, il ne s’en est pas laissé imposer et a gardé une caméra attentive à ses personnages. Si on fait fi des séquences de tuerie au montage épileptique, le reste du film n’est pas tant précipité et permet au public de vraiment goûter au dilemme qui submerge le personnage central et de ceux qui gravitent autour. Padilha a eu confiance au scénario et aux thèmes qu’il abordait et n’a pas tenté de noyer le poisson par une surutilisation d’effets. J’admets que certains points furent plus éludés (tel Omnicorp et son président) et l’appui, via Pat Novak l’animateur, d’une sécurité accrue. Mais ces questions, même évasives, donnent à cette nouvelle mouture de Robocop une aura d’intelligence qui ne faisait pas réellement partie du classique de Verhoeven.
Robocop 2014 m’a agréablement surpris. Il ne passera pas à l’histoire, mais dans le mixage des classiques de notre enfance, il est particulièrement réussi. 3.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net