Critique de
SKYFALL/007 SKYFALL
50 bougies
Grâce aux problèmes financiers des mythiques studios MGM (qui distribuent depuis le début les aventures du célèbre agent secret), ce nouvel opus n’a pu voir le jour qu’en 2012. La multinationale Sony (via Columbia pictures) ayant cogné à la porte pour aider sa consœur, les artisans de ce nouvel opus ont eu le temps nécessaire pour peaufiner une toute nouvelle histoire, du titre original aux manigances du vilain en passant par la réinsertion de personnages clés.
Le 5 octobre 1962, James Bond contre Dr. No (de Terence Young) voyait la lumière, une petite lumière faiblarde sur fond de guerre froide. 23 octobre 2012 (première londonienne), 50 ans plus tard, les habitués scénaristes Robert Wade et Neil Purvis (leur 5e adaptation) et le trois fois nominés aux Oscars John Logan ont concocté un récit plus que personnel qui met de l’avant le côté secret de Bond. Oui, James Bond l’agent secret a des secrets, dévoilés en partie dans Casino royale, mais approfondis dans Skyfall. 007 n’a pas perdu de sa vigueur, malgré le temps. Mais les auteurs jouent justement sur l’âge pour l’humaniser. Tout comme ils utilisent beaucoup son environnement immédiat pour le déstabiliser. Pour une rare fois dans la carrière de l’agent secret, certains personnages récurrents mettront de l’huile sur le feu et creuseront le sombre passé du nouvellement promu « double zéro » (N’oublions pas que Casino et Quantum étant des suites directes, ces histoires se passent sur un court laps de temps.)
Skyfall, le titre, est un mystère total jusqu’à la finale, mais une agréable surprise pour les amateurs. D’ailleurs, comme je l’ai écrit plus haut, ce 23e opus n’a que les personnages de l’auteur britannique Ian Fleming de constant. Tout le reste est une nouvelle histoire! Du prologue de disque dur volé à Istanbul à l’attaque des quartiers généraux du MI6 à Londres en passant par la rencontre de la Bond girl (Bérénice Marlohe) à Shanghai. Mais vous savez quoi? Pour le fanatique que je suis et même si je n’ai jamais lu un roman de Fleming, Skyfall le film recèle de nombreux points qui rendent hommage à la vie trépidante de James Bond, mais aussi à son auteur. Pour ne nommer que quelques exemples, Istanbul est une des villes préférées du défunt écrivain. Tout comme l’Écosse est un pays qu’il affectionnait tout particulièrement, de là à donner des racines écossaises à son héros. D’ailleurs, ce point à deux versants! On peut aussi y voir un clin d’œil au premier James Bond à l’écran, qui était interprété par le robuste Sean Connery (et non par un Anglais de souche). N’en décrivons pas d’autres, pour votre plaisir!!
Wade, Purvis et Logan ont confectionné plus d’une histoire, instaurant une menace administrative entre M (Judi Dench) et le gouvernement, représenté par Gareth Mallory (Ralph Fiennes). Aussi en mettant en scène un jeune Q (Ben Whishaw) pour contraster avec le quarantenaire agent (Le voilà enfin, ce flegmatique Q. Quoique, comme le dit si bien Bond : « Petit boutonneux!!! ») Et enfin, un problème du passé (Javier Bardem) qui resurgit pour défier l’agence. Le tout agréablement mixé sur fond d’action, de clins d’œil (la Austin Martin; le Walther à la reconnaissance digitale… Une nouveauté de Q; la mini radio; les célèbres phrases punchs; la mythique musique de Monty Norman intelligemment intégrée;…) Merci, chers scénaristes!!!
Mais le meilleur coup fut d’aller chercher le récipiendaire de l’oscar du meilleur film en 1999, le cinéaste dramatique Sam Mendes. Son œil artistique a amené une touche nouvelle à l’espion. L’action n’est pas qu’action, c’est aussi des tableaux visuels. Sans rien enlever au travail de son prédécesseur (Marc Forster), Mendes a profité lui aussi du laps de temps alloué pour signer son film. Personnellement, je pense que tourner un James Bond est une reconnaissance en soi et une signature dans le firmament du cinéma et Sam Mendes a su profité de l’occasion pour faire sa marque. Les séquences d’ombres chinoises à Shanghai, la consternation de M devant les cercueils d’agents sur fond blanc ou la sombre et terne atmosphère dans un certain manoir élève Skyfall dans les hautes sphères d’incontournables aventures du mythique agent secret (au même titre que Goldfinger, Dr. No ou le sous-estimé On her majesty’s secret service). Par contre, j’ai un bémol (un petit :) Mendes a « flushé » le compositeur des cinq derniers Bond, David Arnold, pour travailler avec son acolyte de toujours, Thomas Newman. Du sang neuf dans les rangs ne fait pas de tort, seulement… Newman a une oreille bien à lui et peine à rendre justice au quinquagénaire thème de Monty Norman et John Barry. Même que, par moments, ça sonne plus Hans Zimmer (lire Dark knight), surtout pendant les séquences d’action. Mais le compositeur se rattrape en amenant une dose juvénile… Non! Plutôt « technologique » à quelques passages, dont un air pas piqué des vers pour les quartiers Q (Quartermaster). Alors que James Bond est exempté de gadgets, Newman amène cette touche fantaisiste pour y pallier.
Maintenant, la distribution. Daniel Craig aura su faire démentir ses détracteurs. Certes, le casting de l’acteur s’apparente plus à Connery qu’à Roger Moore, mais il est parvenu à passer au-dessus de cela et de s’inscrire définitivement comme un excellent interprète de 007. Il amène émotion et introspection là où Moore amenait frivolité et Connery masculinité (Pierce Brosnan reste tout de même le meilleur mix des deux icônes et Timothy Dalton, selon les puristes, est le plus fidèle au héros des romans). Mais Craig signe sa propre signature. Fini les comparaisons! Pour ce qui est du vilain, car une aventure jamesbondienne se doit d’avoir un nemesis d’envergure, Javier Bardem relève le défi avec doigté, frayeur et folie. Il réussit à humaniser un être atypique et à le rendre empathique (jusqu’à un certain point, quand même! C’t’un méchant pas beau. Oooohhh! Pas beau du tout!) Un duel de classe. Et je ne parlerai pas des autres, au cas où je m’échapperais…
Skyfall, la 23e production officielle, saura rapidement gagner le cœur des amateurs et peut se targuer d’être accessible à tous, néophytes ou non. Quant à moi, je considère que c’est un merveilleux cadeau pour ses 50 ans. James Bond est mort. Vive James Bond! 4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net