Critique de

SPECTRE/007 SPECTRE
Ère de famille

Ce serait un euphémisme de déclarer que le 24e volet des aventures du célèbre agent secret d’Ian Fleming (sous la bannière de MGM/Sony.  Ne revenons pas sur le dossier de Casino royale 1967 et Never say die, d’accord?!) était attendu avec une brique et un fanal.  À chaque nouvelle épisode, la marche devient plus haute (et Dieu sait que Skyfall l’a élevée.  Voir archives critiques), le pourquoi on ne change pas une recette gagnante.  Les studios ont donc convaincu le cinéaste anglais Sam Mendes de reprendre du service; ont à nouveau fait confiance aux scénaristes John Logan, Neal Purvis, Robert Wade et Jez Butterworth; et ramené des visages familiers (même si cela implique un furtif caméo).  Mais surtout fait plaisir aux amateurs en mettant en scène l’organisation par excellence qui a, à maintes reprises, donné du fil à retordre à l’agent 007, la tentaculaire et mystérieuse Spectre.  Résultat?

On assiste à un divertissement haut de gamme, bien huilé, bien ficelé, mais je suis resté sur ma faim.  Je suis un fan fini de James Bond, je connais ses films sensiblement par cœur et le fait de mettre le plus terrible adversaire dans les pattes de 007 m’a fait frémir de plaisir.  Encore plus lorsqu’on sait que c’est l’acteur Christoph Waltz alias Col. Hans Landa alias Dr. King Schultz qui succède à Donald Pleasance, Telly Savalas, Charles Gray et Max Von Sydow.  De grosses pointures que l’acteur autrichien ne parvient que partiellement à remplir.  Mais nous y reviendrons!

007 Spectre reprend là où on nous a laissé à Skyfall, soit un James Bond laissé à lui-même pendant que le MI6 mange ses bas à cause du gouvernement.  L’agent secret a une mission personnelle à remplir, soit éliminer un terroriste et démolir la moitié de Mexico.  Un savoureux prologue qui mettait la table pour une autre aventure de haute voltige.  Mais Bond est démis de ses fonctions, repart finir son travail incognito et découvre un complot orchestré par une puissante organisation qui a des yeux partout.  Une organisation qui le suit depuis Casino royale!  Pour arrêter les plans (peu) machiavéliques du Spectre, Bond devra s’allier à la fille d’un ancien ennemi (Léa Seydoux) et demander de l’aide au fidèle noyau (soit Q, M et Moneypenny).  Pourquoi « peu machiavéliques »?  Parce que le synopsis de base joue sur le thème éculé du contrôle des communications.  Une saveur du  moment que les scénaristes ne parviennent pas à agrémenter d’originalité.  De plus, une sous-histoire, le genre qui approfondit le ou les personnages principaux, rapetisse considérablement les motivations d’Ernst Stavro Blofeld, pour le réduire simplement à la vengeance (Désolé si je suis un peu vague, mais ne vendons tout de même pas les punchs, n’est-ce pas?!)  Donc, Spectre a toujours été présent, dans l’ombre, à tirer les ficelles des précédents vilains de la quadrilogie (soit le Chiffre, Dominic Greene et Raoul Silva).  Une idée intéressante minée par celle de la sous-histoire.  Pourquoi ne pas donner au public un mégalomane?  Le genre qui a fait les beaux (ou mauvais) jours du célèbre agent?  Goldfinger était ce type.  Blofeld (de You only live twice) l’était tout autant.  Scaramanga aussi (même si the Man with the golden gun était plutôt moyen!)  Est-ce parce que les scénaristes ont trouvé un filon en donnant un passé à James Bond dans Skyfall?  Certes, cela a agréablement augmenté la qualité du produit.  Mais pourquoi toucher à Blofeld de la sorte?  Quant à Christoph Waltz (on y revient), je ne l’ai pas senti inspiré, jouant dans la cour de ses précédents rôles, n’amenant rien de nouveau au personnage mythique.  Tant qu’à parler distribution, les seconds couteaux, malgré tout leur bon vouloir (et ils sont bons), ne réussissent pas à émouvoir, même s’ils ont plus de latitude que dans les autres aventures.  Ralph Fiennes, Ben Whishaw et Naomie Harris (aka M, Q et Moneypenny) n’ont que peu de chair autour de leur os et cela nuit à la crédibilité dramatique.  Maintenant Daniel Craig.  Il a réussi sa mission.  Non pas celle de reprendre du service avec hargne, fermeté et conviction, mais plutôt de miner son travail en disant à qui veut l’entendre qu’il en a soupé du rôle, qu’il préférerait se taillader les poignets plutôt que de reprendre le personnage.  Et ça se sent à l’écran.  Il est certes professionnel, mais un peu distant.  On ne sent pas cette fureur qui l’habitait dans Casino, ni Skyfall.  En fait, tout comme moi, il ne semble pas croire à l’histoire.  Il la joue, simplement. 

Une des autres réussites de Skyfall était la signature du cinéaste Sam Mendes.  Malgré la lourdeur d’un tel projet, il était parvenu à cadrer élégamment la production.  Mais Mendes, tout comme Craig, ne voulait pas revenir et l’ensemble s’en ressent.  Il y a bien, ça et là, quelques tableaux significatifs (ex. : l’intro en hélicoptère au-dessus d’une foule) de par l’utilisation des décors et lumières (gracieuseté de Dennis Gassner et Hoyte Van Hoytema), mais rien qui puisse élever Spectre au même niveau que la précédente mouture.  Mendes a fait un job honnête, mais un job de série.  Il a suivi la recette demandée, sans plus!

Spectre est agréable à regarder, mais on assiste à un Skyfall 2, ce qui réduit l’apport de la plus grande organisation criminelle que l’auteur Ian Fleming ait cogité.  Souhaitons que « Spectre 2 » ne reprenne pas là où il nous a laissé (sauf pour Ernst Stavro Blofeld.  Il peut revenir, lui, peu importe l’acteur qui s’y collera).  Souhaitons aussi que Craig se ravise, car, qu’il le veuille ou non, il fait un excellent 007.  Et en terminant, souhaitons que le prochain réalisateur aura une touche particulière.  Ce serait le temps de donner les rênes à Quentin Tarantino, lui qui crie à qui mieux-mieux que c’est un rêve de jeunesse. Cela permettrait peut-être à Waltz de reprendre du galon, qui sait?

007 Spectre boucle une boucle.  Repartons sur de nouvelles bases…  secrètes.  3/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net N.B. :  Je n’ai pas non plus parlé de la chanson de Sam Smith qui n’arrive pas à la cheville d’Adele, même si le générique d’intro était léché et audacieux.  Ni des « Bond girls », dont une Monica Bellucci en beauté furtive.  Par contre, l’embauche de Dave Bautista fait un bel hommage aux vilains bras droits qu’on a eus droit dans le passé, rappelant Dents d’acier et Oddjob (le Chinois de Goldfinger).  En fait, j’n’ai pas parlé de ben des affaires, mais faut ben finir à un moment donné.  Puis vous avez compris l’idée générale…  C’tait correct, sans plus!