THE/LE REVENANT
La vengeance entre les mains d’Inarritu
Nous vivons une magnifique période de renaissance cinématographique. Depuis environ une dizaine d’années (et je suis réservé), le Septième art a libéré d’excellents cinéastes qui ont plus d’un talent, ils sont multidisciplinaires. Grâce à eux, le cinéma reprend des lettres de noblesse en tant qu’art, sans laisser tomber son autre mandat, soit celui de divertir. Évidemment, vous pensez tous à Christopher Nolan, David Fincher ou Spike Jonze (On peut aussi, pour se flatter l’ego, imaginer Jean-Marc Vallée et Denis Villeneuve dans ce groupe sélect. Ben quoi?????) Mais il y a aussi Alejandro Gonzales Inarritu (tsé, franchement, c’est sûr, hein…) Le Mexicain, de film en film, démontre qu’il a un sens aigu de l’image, qu’il sait mettre en peinture un scénario intelligent et qu’il respecte les acteurs en tant qu’homme et femme et non juste comme un instrument au service d’une production. Inarritu est un artiste. The Revenant n’est pas son meilleur film. Il faut bien mettre les choses en perspective. Personnellement, Birdman était très achevé, personnel et poignant (lire archives critiques). Mais il reste que the Revenant a la très belle signature du cinéaste et ne doit pas être négligé pour autant. Ooooh non, monsieur! Il est à voir absolument.
À partir d’un fait vécu au XXVIIIe siècle (un trappeur, laissé pour mort après une attaque d’ours, cherche vengeance envers le traître l’ayant laissé seul), le cinéaste élève ce simple récit à une cause plus noble et plus grande : la volonté de vivre. Des histoires de vengeance, le cinéma en a une barge et une tonne. Qu’est-ce que the Revenant a de différent des autres? En soi, rien. En particulier, tout. Inarritu signe de superbes plans séquences chorégraphiés au quart de tour d’un étonnant réalisme (et parfois brutal. L’attaque amérindienne en prologue est crue, tout comme celle de l’ours). On assiste encore une fois à un tableau filmé d’une élégance raffinée, où les plans larges de montagnes enneigées et de denses forêts s’entrecoupent de gros plans de personnages torturés et de scènes d’action d’un déconcertant naturel. Il y a bien une petite surdose de plans rapprochés où DiCaprio démontre une indéniable introspection de son rôle, mais c’est se plaindre le ventre plein. L’acteur, en nomination pour une cinquième fois aux Academy awards, a fait un pas de plus dans l’investissement de son personnage et devrait enfin avoir son dû. Son rôle de père meurtri et trahi, rampant pour sa survie, ne balbutiant que des brides de phrases (à cause d’une gorge déchirée) va au-delà de l’effort artistique. Il s’est investi corps et âme et ses sacrifices lui permettront de gagner le précieux trophée convoité. Il l’a d’ailleurs mentionné en entrevue, le tournage fut éprouvant et en regardant le résultat final, on comprend aisément son point de vue.
Je ne m’en cache pas, j’aime les productions techniquement maitrisées. En fait, plus simplement, j’aime les films complets. Par « complet », je veux écrire réalisé avec doigté et finesse; remarquablement interprété; avec un solide scénario qui travaille les méninges (l’histoire en soi peut être bête. Si le scénario est intelligent et élève le récit, c’est preuve du travail accompli par les scénaristes). On a tout ça avec the Revenant. Parfois par excès de confiance, mais l’ensemble démontre tout le talent d’une équipe en symbiose pour une cause artistique. Si je faisais mon avocat du diable (euh… Oui!), j’écrirais que certains passages plus « oniriques » auraient pu être laissé de côté, ce qui aurait donné un film encore plus concis. Mais lesdits passages permettent un certain relâchement intellectuel au spectateur et décrivent le personnage principal sans avoir à le souligner de mots inutiles. Inarritu aime la caméra. L’image vaut parfois mille mots. Cet adage, il la maitrise que trop bien.
The Revenant s’imbrique aisément dans la superbe filmographie du cinéaste mexicain. Sa nomination aux Oscars comme meilleur réalisateur, ma tête lui donne sans problème (mais mon cœur va à George Miller et son Mad Max, tout aussi accompli visuellement. Aaaaahhh heureux dilemme!!) Je vous conseille fortement de voir the Revenant, mais soyez avertis : il y a des moments assez intenses, voire quasi-insupportables, qui ne sont pas pour les chochottes!!! Mais c’est SO-LI-DE!!!!!!!!!!!!! 4/5 PAR François Gauthier cinemascope@deltar.net