TRANSCENDENCE/TRANSCENDANCE
The Lawnmower man reboot
Le film aurait dû être titré Transparence tant le sujet principal est éludé. Pourtant, il y avait de quoi faire avec l’incroyable implosion que la technologie a eu ces dix dernières années sur la société occidentale (Quoique les Orients ne s’en tirent guère mieux!!)
Mais le vrai (faux) buzz autour de Transcendence en est sa réalisation. Les studios Warner bros. ont beaucoup misé sur le fait que Wally Pfister est un très proche collaborateur du cinéaste Christopher Nolan. D’ailleurs, ce dernier a mis son nom au générique en tant de producteur exécutif (de façon « symbolique »). Pfister a travaillé comme directeur photo sur toutes les œuvres de Nolan (sauf Following) et encore ici, les images présentées sont superbes. Le nouveau venu dans la chaise du réalisateur joue la carte du contraste nature-science, vie-technologie. Mais la surenchère ou plutôt le surlignage éhonté ne fait que renforcer le fait que Transcendence rate sa vocation première : présenter. Le parti pris du scénario se fait surtout sentir lorsque l’armée débarque (évidemment!) et la débandade ne fait que s’accroître avec une nouvelle forme de mysticisme technologique qui ne cherche qu’à vivre et enrichir l’humanité. Le gros problème réside ici : le scénariste Jack Paglen a très bien fait ses devoirs dans la première partie du film, où les questionnements sont légion, où physique, philosophie et psychanalyse se font une guerre d’idées. Lorsqu’un des maîtres à penser se meurt (Johnny Depp), ses proches l’intègre à la machine. Soit! C’est un des autres buts de la production, divertir par le biais de la science-fiction. Le spectateur accepte, car il savait à quoi s’attendre en allant voir Transcendence. Par la suite, tranquillement, les camps se forment; les questions deviennent évasives et l’ensemble finit par tourner à vide avec une simpliste guéguerre entre le Bien et le Mal.
J’ai senti chez Pfister un besoin de marquer les gens, de faire « grand », telles des œuvres novatrices comme 2001, a Clockwork orange, Solaris, Metropolis, Planet of the apes ou plus récemment Children of men. Transcender le genre. Mais Pfister, qu’il ait le meilleur œil photographique du cinéma, manque encore de « grandeur » quant à raconter une histoire qui mêle réalité et fiction; un récit qui mélange divertissement et questionnements. Il n’est évidemment pas le seul à blâmer, Paglan s’est embourbé dans la facilité en schématisant son thème et essayant de l’offrir à un plus large public. Les questions posées étaient valables; les personnages, jusqu’à un certain point, étaient crédibles et le déroulement du récit était plausible. Mais les ingrédients ne tiennent pas ensemble!
Pourtant, je n’ai rien à redire de la performance des acteurs. Johnny Depp, pour une rare fois, joue un homme « normal » et il le fait très bien. Son scientifique Will Caster est un homme d’idées assez arrêtées qui s’ouvrira les pixels dans un élan d’humanisme gluant (Désolé!); Rebecca Hall, en biologiste et conjointe, amène la touche émotive à l’ensemble; pareil pour le ténébreux Paul Bettany qui représente les yeux du spectateur (mettons!) : un scientifique ouvert d’esprit, en constante réflexion. D’ailleurs, je saute du coq à l’âne, mais c’est une erreur de logistique de la part de Paglan et Pfister que de nous présenter en prologue ce dernier, car cela mine la tension dramatique quand on comprend l’apport du personnage de Bettany et la finalité du récit. En tout cas, ceci étant écrit… Pour le reste des troupes d’acteurs (Morgan Freeman, Cillian Murphy, Kate Mara, Clifton Collins jr.), ils font très bien avec le peu qu’ils ont, alors que les efforts du scénariste se sont concentrés sur le triumvirat central.
J’ai mis trop d’espoir sur Transcendence, m’attendant à une production « nolanesque », qui aurait allié blockbuster à répertoire. Finalement, j’ai eu ni l’un, ni l’autre! Déception sur toute la ligne. Un Cobaye 2014 (si vous n’avez pas vu l’adaptation de ce roman de Stephen King, vous n’avez certes guère manqué quelque chose, mais Transcendence s’y apparente drôlement) 2.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net