Critique de

TRUE GRIT/LE VRAI COURAGE
Un « Dude » en « Duke »!

Du western chez les Coen?  Pourquoi pas, le genre n’appartient pas qu’à Kevin Costner!  Et quoi de mieux qu’une revisite d’un mythe qui permis à John « the Duke » Wayne de gagner son seul Oscar en carrière (dans le film d’Henry Hathaway en 1969).  Comme les frangins, je n’ai pas vu la vieille version et je me garde encore une petite gêne, préférant avoir en souvenir celle-ci (quoiqu’un jour, peut-être, dans un temps pas si libre…?!  Bon, je crois que je devrai la mettre sur ma « watchlist » déjà bien remplie!  Check.)

La réputation d’Ethan et Joel Coen n’est plus à faire, la priorité dans leurs films est toujours les personnages et le scénario.  Des personnages décalés, en marge d’une société en proie à la rectitude ou « l’honnêteté » de gens bien placées (héhé!)  Ces rôles doivent toujours atteindre un but plus grand qu’eux, un but caché en eux et les avenues que les frérots mettent sur leurs routes sont irrémédiablement chaotiques, imprévisibles et/ou surprenantes (comme la Vie).  Mais grâce à leur vision emplie de cynisme et d’humour (noir), les Coen font de ces laissés-pour-compte des héros malgré eux.  L’intelligence des cinéastes n’est pas que sur papier, elle transparait dans le choix des acteurs qui personnifiera la « lutte à finir ».  Généralement, un groupe sélect de comédiens gravite autour d’eux, des acteurs souvent marginaux qui comprennent et transposent bien l’univers coenien, les Turturro, Goodman, Clooney, Buscemi, McDormand (femme à la ville de Joel), Brolin et Jeff Bridges.  Qui n’a pas vu the Big Lebowski (1998), qui mettait en scène un « cooool nobody » pris pour un millionnaire qui prisait les quilles comme détente?!  Un « must » où Bridges brillait (avec John Goodman et Steve Buscemi)!!  Les souliers du rôle que les frères Coen lui ont présentés étaient de grande pointure, mais on connait déjà la valeur de l’homme qui a accepté le défi.  Personnellement, à la vue des bandes-annonces, j’ai eu un frisson de peur en apercevant un vieux borgne, barbu et grincheux, je pensais que les réalisateurs avaient opté pour la comédie satirique (qu’ils maîtrisent bien, mais pour le remake d’un drame primé, pas sûr??!!)  Mais les Coen font partie de ma « A-list » (avec Burton, Kubrick, Coppola, Scorsese, Polanski…) et je leur donnais le bénéfice du doute.  Bien m’en prit…

L’histoire n’a pas comme épicentre le Marshall Rooster Cogburn (Bridges) comme dans la première version, mais l’adolescente dégourdie Mattie Ross (la nouvelle et merveilleuse Hailee Steinfeld) qui cherche à venger la mort de son père du fugitif Tom Chaney (Josh Brolin).  Aidés du Ranger LaBoeuf (méconnaissable Matt Damon), le trio ira en territoire amérindien pour débusquer le tueur et la troupe l’hébergeant, mené par Lucky Ned Pepper (édenté Barry Pepper).  Le récit fera ressortir des sentiments que tous ne s’attendaient et montrera la face cachée de chacun dans un monde où la justice est au bout du fusil.

Les Coen, outre une transposition adéquate de l’époque (costumes, décors, accessoires, coutumes, atmosphère lente), ont réussi un pari risqué, celui de mettre en bouche des mots plus « littéraires » aux personnages souvent rustres de l’auteur Charles Portis.  Mais l’explication de ceux-ci vaut le coup :  « L’éducation et les bonnes manières faisant souvent défauts, les hommes et femmes ont appris à parler via les livres qu’ils ont « entendus » (ou lus, selon le degré d’étude). »  Une hypothèse plus que valable, surtout lorsque votre trio d’acteurs est Bridges-Damon-Steinfeld qui ont su faire vivre au naturel un texte plutôt verbeux. 

Le Vrai courage n’est pas que dans l’aptitude des caractères à se découvrir, mais aussi dans celui de ses artisans qui ont cru au projet et su aller de l’avant face aux défis à relever.  Le « western » étant un genre que le public ne semble pas très friand (comme le film de pirates.  Besoin d’exemples?  Hihi!), car la mauvaise impression de lenteur et de déjà vu font loi, les Coen ont justement abondé dans ce sens, mais n’ont jamais souligné à gros trait ce qui est souvent priorisé dans le domaine, c’est-à-dire le combat du Bien contre le Mal.  Ils ont plutôt axé la trame narrative sur le combat de survie d’hommes et de femmes dans un milieu où les lendemains ne sont pas toujours au rendez-vous.  Le Vrai courage avance scène par scène avec le sentiment de non-retour et de mystère que la Vie réelle nous offre au quotidien.  Même si le dénouement nous est annoncé dès les premières secondes (par la narration de la « moins » jeune Mattie Ross), reste que les cinéastes ont réussi à nous embarquer cette diligence et que les acteurs nous ont convaincu de leur existence.  Chapeau bas et arme au poing!  4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net