Critique de
UN PROPHÈTE
Il n’est jamais trop tard!
Non, jamais trop tard pour être sublimé! À voir tous les prix que le film de Jacques Audiard (De battre mon cœur s’est arrêté; un Héros très discret; Sur mes lèvres) a remporté depuis sa sortie, j’avoue que mes attentes étaient élevées. Neuf trophées aux Césars 2010 (dont acteur, réalisateur, scénario et film. La totale, quoi!); le Grand prix du Jury 2009 à Cannes; Bafta du meilleur film étranger; Meilleur film européen; Nominé aux Golden globes et aux Oscars;… il y avait longtemps qu’une production n’avait autant fait l’unanimité. Mais le plus difficile est de combler les attentes de spectateurs lorsqu’une telle aura le précède, ce qu’il a réussi de main de maître. De mon cas, du moins!!
Malik est un petit malfrat sans envergure qui entre trop tôt en prison et qui doit survivre comme il peut une fois en dedans. Repéré par le caïd de la prison, César Luciani (Intense Niels Arestrup), il devra faire ses quatre volontés pour être sous sa protection. De fil en aiguille, le petit deviendra grand, à la dure, et verra à son profit par la bande!
Un prophète est un grand film. Rien de moins! Je ne m’attendais pas à autant! Le jeu des acteurs, vrai, naturel, animal. La réalisation adroite, fluide, claustrophobe, mais aussi libre, sereine, réelle. Un scénario (d’Audiard, Thomas Bidegain, Abdel Raouf Dafri et Nicolas Peufaillit) qui scrute les tréfonds des âmes meurtries et qui crache le venin sans confession. Un prophète est d’un investissement humain.
Tahar Rahim interprète la petite frappe avec naïveté, crainte et se développe sous nos yeux affamés pour devenir un malfrat d’envergure. Voilà un constat d’échec que présente Audiard aux spectateurs : les prisons ne « guérissent » pas tous, mais créent aussi le Mal, qu’il soit volontaire ou non. La corruption, sujet tabou, est ici monnaie courante et le réalisateur la présente comme tel, sans flafla, d’un ordinaire écœurant. Pour survivre, il faut échanger et savoir laisser sa dignité. Mais cette production n’est pas que haine et avancement organisationnelle, elle montre les hommes dans leur plus simple appareil, l’animal qui vit en eux et qu’ils doivent dompter. Malik passe par toutes les étapes de l’accomplissement, autant carcéral que psychologique. « Petit oiseau apprendra à voler »; « L’élève dépasse le maître »; « On n’est jamais si bien servi que par soi-même »… Un prophète est un cours en accéléré de la Vie et d’un naturel désarmant en plus, merci à Tahar Rahim. Je me dois de me répéter, mais il est superbe. Une des plus belles scènes est la première permission de sortie de Malik, où le jeune homme respire l’air, où les oiseaux gazouillent, où le soleil brille. Rahim/Malik est libre, on le sent libre! Chapeau à Jacques Audiard (évidemment!) pour avoir réussi à recréer cet étouffement, ce monde brut qui enveloppe autant les prisonniers que le public. On est libre en même temps que le personnage!
Un prophète m’a soufflé! Il peut sans gêne se classer aux côtés d’œuvres tels Goodfellas, the Godfather (sans l’égaler, bémol tout de même! Laissons au Temps faire le reste.), Infernal affairs/Mou gaan dou, … Dur, mais incontournable! Il n’est jamais trop tard… Sauf pour les personnages! 4.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net |