Critique de

JODAEIYE NADER AZ SIMIN/UNE SÉPARATION
Nettement!

 

Quoi de plus ennuyant qu’une vie conjugale.  Je le crois aussi, mais pas le cinéaste iranien Asghar Farhadi.  Sa notion de drame est au-delà du banal.  Exit les clichés larmoyants, les images préfabriquées.  Il transforme une simple et tout de même triste séparation entre un père et une mère en drame politico-policier où tout se joue sur les croyances de chacun.  De plus, Farhadi pose sa caméra dans son pays natal et nous prouve qu’il y a autre chose que des terroristes qui circulent chez lui.  La vie de tous les jours est comme tous les autres jours ailleurs sur la Terre. 

Commençant son film sur le couple en conflit pour le bien de leur fille de onze ans, ce long plan séquence de cinq minutes rappelant Scènes de la vie conjugale (d’I. Bergman.  1973), le réalisateur a d’ailleurs souligné en entrevue qu’il était un fan du Suédois, montre deux acteurs en parfait harmonie malgré leurs personnages.  Peyman Moadi et la belle Leila Hatami sont complètement imprégnés de leurs rôles de parents luttant pour vivre et survivre.  Le cinéaste sait qu’il a deux perles devant la caméra et saura laisser toute la latitude nécessaire aux acteurs pour transporter l’histoire bien au-devant d’une garde partagée.  Le père doit, en plus d’éduquer sa fille, s’occuper de son vieux père atteint de la maladie d’Alzheimer et gérer une crise qu’il a engendrée avec sa nouvelle bonne.  Quant à la mère les ayant délaissés un temps, elle n’aura d’autres choix que de revenir pour aider sa famille à se sortir de l’impasse. 

Jamais filmé sous le joug du mélodrame, Asghar Farhadi ne prend pas partie.  Il montre le conflit entre un père aimant et croyant et une mère tout aussi aimante, mais plus libre.  Tout comme il montre la vie difficile de la ménagère (Sareh Bayat) trainant, malgré elle, son enfant pendant que son mari chômeur combat une dépression.  Une Séparation n’est pas simplement le fruit d’un besoin d’éducation pour l’enfant de onze ans, mais démontre qu’il y a bien une séparation entre notre perception de l’Iran et la réalité.  Le film montre aussi que leur justice n’est pas aussi expéditive qu’on voudrait le croire et laisse la place à la communication entre les parties s’opposant.  Évidemment, le Coran a beaucoup  d’impact sur leurs comportements et Faradhi le montre bien sans le souligner.  La religion fait partie intégrante de la vie sociale et aide justement à régler leurs conflits dans la non-violence.  Je répète :  Ce ne sont pas tous des extrémistes!  Asghar Faradhi a tourné un film porteur d’un message important pour la population mondiale :  les Iraniens sont des hommes et des femmes avant tout!  Si ce n’était que ça…

En plus d’avoir une distribution en symbiose au service d’une histoire lourde de sens, le cinéaste leur donne l’arme parfaite :  la parole.  Le scénario écrit par celui-ci est tout simplement exquis et concis.  Comme un bon ami me l’a déjà fait remarquer, le squelette d’un film est son texte.  Si la colonne vertébrale est solide, le film devrait nécessairement suivre et comme Faradhi et son équipe croient en ce qu’ils font, une Séparation transcende l’écran. 

J’aimerais entrer dans les petits détails tant j’ai adoré l’expérience (malgré la lourdeur du propos), mais ce serait peut-être mettre trop haut sur un piédestal un film qui le mérite.  Je m’en voudrais de vous donner trop d’appréhensions et que finalement, vous soyez quelque peu déçu.  Quand j’appris les nominés à l’Oscar du meilleur film étranger, je prêchais pour ma patrie en Monsieur Lazhar (de P. Falardeau), mais mon inconscient et le buzz entourant une Séparation m’ont poussés à le visionner.  Ce fut le seul des cinq que je vis et franchement, je ne le regrette pas du tout!  Une Séparation est une grande production à tous les niveaux.  Chapeau bas à Asghar Faradhi et les artisans d’une majestueuse œuvre.  4.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net