Critique de

V FOR VENDETTA/V POUR VENDETTA
V pour visage

Le visage d'une société oppressée, résignée. Le visage d'un homme défait qui n'a plus rien à perdre, mais tout à gagner! L'homme... sans visage! Tiré d'une bande dessinée de la décennie '80, les frères Wachowski ont mijoté longtemps l'adaptation de cette quête de vengeance, bien avant leur trilogie Matrix. Mais les circonstances (heureuses, maintenant!) en ont décidé autrement! Après le succès de vous savez quoi, mais aussi le travail considérable que cela a impliqué, ils ont donné les rennes de leurs rêves à leur assistant-réalisateur des Matrix, James McTeigue (sans jamais être bien loin derrière... Évidemment!) Première réalisation, l'apprenti s'en est très bien tiré avec une histoire étoffée, un scénario verbeux, des effets spéciaux pétaradants et des comédiens convaincus. Mais auparavant...

V pour Vendetta se situe dans un futur pas si lointain où le gouvernement à la main-mise sur son peuple, par le biais des médias et de la police. Sous prétexte d'une ancienne épidémie et d'une révolution avortée, les Représentants mènent leurs pantins avec des gants... d'écrin!! V (Weaving) n'entend pas à ce système et compte bien ramener justice entre bonnes mains. Dans son élan "patriotique", il croisera une citadine en détresse, Evey (Portman) qu'il recueillera sous son aile. Celle-ci, réticente au début face à tant de violence autant d'un bord que de l'autre, adhérera peu à peu au but de V. Non sans complication pour sa vie! Car il s'avèrera que les représentants de l'Ordre ont un oeil sur elle pour capturer l'énigmatique V. Les desseins de l'anti-héros n'en seront que plus justes. Son épée de Damoclès fondera sur ses proies pour se terminer en un feu d'artifice exemplaire, au prix de plusieurs sacrifices douloureux.

Les performances sont exquises, à commencer par V, interprété par l'invisible Hugo Weaving (m. Smith; Elrond de LOTR). Jamais du film son visage n'apparaîtra. Seul un masque peinturé d'une moustache lui servira de faciès. Son jeu est mi-dramatique, mi-comique. De la vraie Comedia dell'arte!! Que sa voix et sa gestuelle pour passer les émotions d'un personnage complexe, déchiré entre la raison sociale et la vengeance personnelle. Hugo Weaving est magistral!! Tout comme Natalie Portman qui joue le visage, le miroir d'une société soumise, qui peu à peu ouvrira les yeux devant tant d'aberrations grâce à son Sauveur. Une nouvelle fidèle sera forger!! Le reste de la distribution est adéquatement choisie: Stephen Rea en inspecteur, représentant d'un "Ordre" établi de force, divisé entre la justice et le Parti. Irlandais autant dans la vie que dans le film, Rea s'acquitte merveilleusement de son rôle d'intermédiaire entre le gouvernement et le peuple. Un rôle qu'il est habitué d'interpréter dans les films de Neil Jordan. Comme un gant...!! Stephen Fry joue l'aristocrate pince-sans-rire qui, subtilement, lance des messages contre son gouvernement, car il a lui aussi une dent contre eux. Un personnage quelque peu caricatural de l'Anglais typique, mais amené avec nuance par un comédien d'expérience. Et il est difficile de passer à côté du clin d'oeil que font les Wachowski en choisissant comme représentant du gouvernement, en prenant comme Premier Ministre, celui qui subissait ses affres il y a 20 ans dans un autre film inspiré, 1984 de George Orwell, en la personne de John Hurt. Délicieux! L'analogie au classique de Michael Radford est évidente et représentative d'une stagnation quant à l'évolution d'une justice équitable et droite!! "Autre temps, même moeurs??!!"

J'aimerais dire comme la plupart des critiques et dénoncer les moyens choisis par le "héros" pour arriver à ses fins. Mais je n'y parviens pas! Premièrement, c'est une fiction et, à moins d'être aveugle, Hollywood nous gavent depuis des années avec ce genre de violence plus ou moins gratuite. Ici, rien de gratuit! Seulement l'adage "Oeil pour oeil, dent pour dent". Il est bien évident qu'un message est lancé à travers V et Evey, celui d'une liberté de pensée et d'être. Que le Peuple EST le gouvernement et non le contraire. De plus, outre la Grande histoire d'oppression (qui rappelle la montée du nazisme), il y a la petite, celle de vengeance de V. Pourquoi condamner de tels agissements, alors que d'autres adaptations BDs s'en sont sorties moins écorchées (quoique certaines étaient justes nulles!!): Punisher; Spawn; Hulk; X-men, etc... C'est le même message à plus ou moins grande échelle qui respirent dans ces oeuvres. Quant à moi, j'ai regardé V pour Vendetta comme une oeuvre de fiction très divertissante, profonde et léchée, avec, comme le médium cinéma est en droit de le faire, un message à passer. Devons-nous y adhérer nous aussi? Ne sommes-nous pas libres de choisir notre parti? Dans le monde où nous vivons, il est clair que certaines personnes tentent d'inculquer des dogmes et des réponses toutes faites, mais il y en a d'autres pour rééquilibrer la donne. À nous de juger, non? V for Vendetta de James McTeigue est une oeuvre qui remplit à la perfection les besoins du blockbuster 101: "entertainant"; intelligent; techniquement soigné; casting de catégorie AAA; musique et chansons poignantes; message clair... Un des premiers vrais bons films de l'année 2006. À prendre avec des pincettes. "Ôter votre masque et dévoiler votre vrai visage..." Bravo! 4/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net