ZERO DARK THIRTY/OPÉRATION AVANT L’AUBE
Opération séduction
Après the Hurt locker, qui a fait le bonheur de sa réalisatrice et de ses producteurs (quelques oscars en poche), quoi de plus appropriée qu’une autre production de guerre. La chasse de l’homme le plus recherché de la planète de la dernière décennie, monsieur Oussama ben Laden, serait un bon filon pour retourner fouler le tapis rouge, non?! Alors, Mark Boal, scénariste et journaliste d’enquête chevronné, à votre machine à écrire. À vos marques, prêt? Suez…
11 septembre 2001. Coup de départ vers l’enfer militaire. Kathryn Bigelow et Boal ont choisi l’écran noir et l’audio pour décrire l’indescriptible. Choix judicieux, car des images que trop médiatisées. Maintenant, le scénariste s’est tourné vers une jeune agente de la CIA pour nous associer à sa cause. Jessica Chastain interprète cette jeune louve en soif de justice. Les premières images de Zero dark thirty en sont des dures. Un interrogatoire musclé non officiel où un supposé terroriste goûte la médicine américaine (avec un Jason Clarke en verve. Acteur à surveiller.) Images chocs quand on sait qu’elles sont vraies (enfin, on n’en doute pas vraiment…!!) S’en suit une enquête de plusieurs années où les mailles du filet ne se resserre jamais sur sa proie et où la justice américaine en prend pour son rhume. Là où le bât blesse, c’est que Boal, qui n’a pas eu la collaboration de la CIA, y va de présomptions et de suppositions et les met sur papier. Seules les attaques en Afghanistan, à Londres et à New York sont véridiques, pour le reste, on se fie à madame la « louve » et on navigue en eaux troubles. Peut-être était-ce à propos de la part de Boal que de choisir cette voie, vu qu’il a lui-même pataugé?! Voulait-il placer le spectateur dans l’inconfort d’un voyage flou, où l’information ne se trouve qu’à coups de « ouï-dire » et de bouche-à-oreilles? Si c’est cela, c’est réussi.
Mais lisez-moi bien, je ne mets pas en doute la personne source, seulement l’efficacité de l’entreprise informationnelle. D’ailleurs, je lève mon chapeau à Chastain. Elle interprète une prédatrice acharnée et froide, au-dessous fragile et vulnérable. Ce mélange bien dosé de sa part est un gros atout pour la production. Sa conviction en l’entreprise permet à Zero… de rester à flot, tout comme le travail technique de Bigelow. Elle a déjà prouvé au monde entier qu’elle était une femme capable, car the Hurt locker parle de soi. Avec Zero dark thirty, c’était un double défi : celui de démontrer que ce n’était pas un « one hit wonder » et de capter notre attention avec des suppositions. Résultat? Elle y parvient sans accrochage. C’est presque choquant, sachant ce que j’ai mentionné précédemment. Elle réussit à captiver et à schématiser un travail d’une vie en 2h 37 min et à nous garder river à l’écran jusqu’au fameux jour J, jour rendu dans son intégralité, du décollage des hélicos jusqu’à l’assassinat du chef d’Al-Quaida (qu’on ne verra jamais, d’ailleurs! Autre choix judicieux, car le propos du film était la quête et non le but).
Zero dark thirty est un film de guerre bien de son temps, efficace dramatiquement, mais un peu vide en son sein. Nous suivons des pions bien intentionnés (du moins, la version américaine, car Boal ne présente pas vraiment l’autre versant de la médaille. L’info aurait été triplement plus difficile d’accès, n’est-ce pas??!!) qui titubent vers un but et un seul et qui se cognent à des obstacles insoupçonnés. J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié la transposition bureaucratique vers les 2/3 (représenté par Mark Strong et des bonzes plus haut gradés), un obstacle plutôt crédible à mes yeux. Et la finale est franchement bien menée aussi!
Ça sent le patriotisme, c’est vrai! Ça va dans UNE direction, une direction dont on connaît la fin, mais c’est ça la beauté de Zero dark thirty. Bigelow et Boal parviennent à nous garder jusque-là et juste pour ça (et pour ses acteurs convaincus), je suis satisfait du visionnement. J’aurais aimé quelque chose de plus dense psychologiquement, dans la veine d’Apocalypse now, de Full metal jacket, Platoon, mais… Ça se regardait bien. L’Académie des Arts et Sciences devrait apprécier certains points, je pense! 3.5/5 par François Gauthier cinemascope@deltar.net